T’étonne-ce ?
C’est d’assez longue date que les « publicistes » façon Fourest usent de procédés d’une rare vileté.
dans l’hebdo N° 1352 Acheter ce numéro
On est dimanche quand j’écris ceci, et d’aucun(e)s semblent s’étonner, dans les réseaux sociaux – comme on dit –, de ce que l’éditocrate Caroline Fourest (rires) ait pu proférer, dans le cours des échanges qui l’ont opposée à Aymeric Caron sur le plateau d’une consternante émission de divertissement diffusée la nuit dernière sur France 2, quelques, disons, inexactitudes. Puis qu’elle ait fini, poussée qu’elle était dans des retranchements auxquels les lècheries que lui prodigue habituellement la presse dominante ne l’ont pas forcément habituée, par traiter ledit Caron de « con » – en toute simplicité et sans que cela ne fasse le moins du monde bondir le (très) navrant animateur de l’émission en question [^2]. Quant à moi, c’est cet étonnement qui m’étonne.
Car c’est tout de même d’assez longue date que les publicistes [^3] façon Fourest (rires), assez facilement reconnaissables (fût-ce dans un épais fog ) à la constance qu’ils mettent à stigmatiser la religion musulmane, se sont affranchi(e)s, dans l’expression de leurs obsessions, des vieilles décences qui, naguère, empêchaient que trop de bobards ou d’insultes soient vomies dans le débat public (justement), et qu’ils usent, pour asseoir leurs divagations, de procédés d’une rare vileté. Dans le nouveau numéro de la Revue des deux mondes [^4], par exemple, le philosophe Michel Onfray (rires) expectore que les représentant(e)s de ce qu’il appelle (en des termes qu’on pourrait croire piochés dans un bréviaire de la droite dense) « la gauche islamophile » (soit, en gros, quiconque pense, à gauche, que l’islamophobie est une dégueulasserie de niveau 9) « réactivent l’ancienne litanie du juif bouc émissaire, […] renvoient la femme ^5 à son rôle d’épouse et de mère, […] soutiennent ceux qui pourchassent les homosexuels, […] renoncent à la laïcité […] » et font en somme, accroche-toi c’est du très lourdement bitumineux, « une gauche antisémite, misogyne, phallocrate, homophobe, antilaïque, théocratique ».
Et si le chef Sieffert m’avait enfin accordé le feuillet supplémentaire que je lui quémande depuis la fin du siège d’Antioche, je t’aurais redit – nonobstant que tu le sais par cœur – que la menterie se mélange là de plusieurs volumes de calomnie. Mais, comme la place nous est comptée, je vais juste confesser que la tentation m’a effleuré, quand j’ai lu cette prose infecte, de décerner à M. Onfray (rires) le même titre honorifique que Mme Fourest (rires) a décerné à Aymeric Caron. T’étonne-ce ?
(P.-S., qui n’a rien à voir : j’ai bien reçu ton livre, Bernard Noël, je l’ai lu, je l’ai aimé, on s’en reparlera bientôt.)
[^2]: Où la même Fourest (rires) a notamment proféré, sur un mode tout christianestrosiste, que les musulman(e)s de France disposaient désormais d’assez de lieux de culte et qu’il serait, partant, superflu (ou fétatoire) de leur en assurer de nouveaux.
[^3]: J’emprunte ce mot à l’excellent Laurent Joffrin (rires), boss barbichu de Libération, qui en fait depuis quelques années un usage immodéré – et qui sait là, j’en jurerais, de quoi il parle.
[^4]: Qui est un endroit complètement hallucinant.
[^5]: Sic.
Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.