A gauche, l’appel à un plan d’urgence pour la France

Un « plan d’urgence pour la France » en cinq mesures a été présenté par l’économiste et coprésident de Nouvelle Donne, Pierre Larrouturou, avec le soutien de plusieurs députés de gauche.

Thierry Brun  • 10 juin 2015
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A gauche, l’appel à un plan d’urgence pour la France
© Photo: De gauche à droite, Isabelle Attard, Barbara Romagnan et Pierre Larrouturou le 9 juin.

Réunis à la brasserie Bourbon le 9 juin, près de l’Assemblée nationale, l’économiste et coprésident de Nouvelle Donne, Pierre Larrouturou, Isabelle Attard, la seule députée de ce mouvement, et Barbara Romagnan, députée PS, ont présenté un « Plan d’urgence pour la France ». Absents, le chef de file des députés du Front de gauche, André Chassaigne, et le député PS Pouria Amirshahi soutiennent l’initiative qui se décline en « cinq solutions pour éviter l’effondrement » , selon la tribune de Pierre Larrouturou publiée le jour même dans Libération .

Pierre Larrouturou espère que le texte sera en débat à gauche pendant la campagne pour les régionales alors qu’une pétition, intitulée : « 5 mesures pour lutter contre le chômage et la précarité » , a été mise en ligne sur le site de Nouvelle Donne. Barbara Romagnan est de son côté convaincue que ces propositions « sont en cohérence avec les valeurs de la gauche et des socialistes et avec la réalité vécue par les citoyens » .

Eviter les licenciements

Dans l’une des cinq mesures du plan d’urgence, le coprésident de Nouvelle Donne indique qu’au Canada un système permet de diminuer « très nettement le nombre de licenciements : quand une entreprise a une chute d’activité, au lieu de licencier 20 % des salariés, elle garde tout le monde ; elle baisse le temps de travail de 20 % et baisse les salaires de 20 % (pour rester compétitive) mais les salariés reçoivent immédiatement un deuxième chèque qui vient de l’Unedic et de l’État, qui permet de maintenir l’essentiel de leur revenu » . Nouvelle Donne demande ainsi que le système canadien « devienne la règle et qu’aucune entreprise ne puisse licencier si elle n’a pas d’abord baissé le temps de travail des salariés en maintenant l’essentiel des revenus » .

Désarmer la spéculation

Une autre mesure « obligerait les banques à être au service des PME » , assure Nouvelle Donne dans son plan d’urgence, car « la spéculation sur les marchés financiers atteint à nouveau des sommets extravagants. À tout moment, une nouvelle crise peut éclater » . Pour Pierre Larrouturou, « il faut absolument désarmer la spéculation et séparer les banques de dépôt des banques d’affaires. Cette séparation fut la règle générale pendant 60 ans » .

Protéger les PME

« Manuel Valls veut le plafonnement des indemnités prud’homales accordées aux salariés licenciés sans cause réelle et sérieuse. Cela ne nous paraît pas la bonne façon de muscler les PME » , réagit l’économiste à propos de l’une des mesures dévoilées le 9 juin en Conseil des ministres par le Premier ministre d’un « Small business act » pour l’emploi des PME.
« Dans un contexte de crise, alors que les défaillances d’entreprises atteignent un sommet (62 700 défaillances depuis un an), il faut tout faire pour protéger ces entreprises et favoriser leur développement », avec des mesures « très concrètes » , indique le plan d’urgence.

Il s’agit notamment de renforcer leur trésorerie en mettant à contribution la Caisse des dépôts pour avancer l’argent des factures à taux zéro :
« Beaucoup de petites entreprises souffrent des délais de paiement imposés par certains grands clients qui jouent la montre en espérant que la PME va disparaître. »
Nouvelle Donne veut aussi mettre les services juridiques de la Caisse des dépôts à contribution pour le recouvrement des créances dues depuis plus de deux mois et accorder des délais pour payer l’Urssaf en réactivant un dispositif mis en place en 2009. Enfin, le plan estime qu’aucun obstacle juridique ne s’oppose à la volonté de « réserver un tiers des commandes publiques aux PME » .

Investir dans le logement

Selon Nouvelle Donne, le fonds de réserve pour les retraites (FRR), doté de 37 milliards d’euros, est placé sur les marchés financiers, « un placement risqué financièrement et sans aucune utilité sociale » . Le mouvement demande que ce fonds soit investi dans la construction de logements « comme cela se fait déjà dans d’autres pays » , et il demande que « 20 % de la collecte des sociétés d’assurance » soit investi dans la construction et le logement.
« Investir massivement dans le logement doit permettre de mettre fin aux licenciements dans le bâtiment (40 000 suppressions d’emplois en 2014) et de créer quelque 200 000 emplois » .

Sauver le climat

Le plan d’urgence n’oublie pas les questions environnementales et a en ligne de mire le programme de rachat de dette lancé début 2015 par la Banque centrale européenne (BCE). Celle-ci créera « 1 200 milliards d’euros ex nihilo. Au lieu de donner cet argent aux banques, le plan d’urgence propose qu’il soit intégralement consacré à la lutte contre le dérèglement climatique » .

Qui peut croire au retour de la croissance ?

Avec ce plan, le coprésident de Nouvelle Donne dresse une sévère critique de la politique gouvernementale. « Qui peut croire au retour de la croissance vanté par Manuel Valls samedi à Poitiers ? Pendant la campagne de 2012, le PS annonçait déjà la fin de la crise et projetait une croissance de 2 % en 2014 » , attaque-t-il dans sa tribune.
« A court terme, on voudrait faire passer cinq mesures en disant que la loi renseignement “pour protéger les Français” aura été votée en quelques semaines. Pour protéger vraiment les Français du chômage et de la précarité, pour les protéger de la prochaine crise financière, nous demandons au gouvernement de mettre en œuvre ces cinq mesures d’ici au mois d’octobre. S’il ne le fait pas, faudra-t-il que nous portions plainte pour non-assistance à personne en danger et mise en danger de la vie d’autrui ? »

Barbara Romagnan s’est jointe aux critiques :
« Quoi qu’on pense de ce qui a été décidé par le gouvernement, on échoue à résoudre le problème du chômage, c’est peu de le dire. L’on annonce le plafonnement des indemnités de licenciement abusif aux prud’hommes alors que l’on n’a pas été capable de plafonner les salaires des hauts dirigeants et de proposer un plancher pour la rémunération des personnes qui travaillent le dimanche. »
Isabelle Attard ajoute que les « priorités du gouvernement sont extrêmement bizarres. On a quatre lois sur le renseignement et le terrorisme en 18 mois, était-ce une priorité alors qu’on devrait s’attaquer à la question de la précarité, du chômage et du logement ? C’est un gouvernement qui a peur » .

Politique Économie
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