Caroline Fourest Du côté du manche

Olivier Doubre  • 10 juin 2015 abonnés
Caroline Fourest Du côté du manche
© Photo : SAMSON/AFP

Après des études dans un lycée catholique, puis un cursus de communication politique, Caroline Fourest entre en militantisme, au début des années 1990, au sein d’un petit groupe féministe, les Marie pas claire. Elle saura s’en faire un tremplin pour intégrer les médias. Elle est pigiste à l’Événement du jeudi ou à Têtu. C’est le début d’une obsession : occuper l’espace médiatique. Sa première cible est l’extrême droite catholique. Elle se fait recruter comme secrétaire d’une association anti-avortement, dont elle publiera des documents compromettants. Présidente du Centre gay et lesbien en 1999, elle a entre-temps fondé, avec sa compagne, Fiammetta Venner, la confidentielle revue Prochoix, qui s’inspire des mouvements étatsuniens, en faveur du droit à l’avortement et des études de genre.

C’est son acharnement à pourfendre l’intégrisme religieux, au départ catholique, qui la conduit bientôt à se focaliser autour de l’« affaire du voile » et contre le « fondamentalisme islamiste », notamment à Charlie Hebdo au milieu des années 2000. Oubliant de plus en plus la rigueur intellectuelle – ce qui lui vaudra plusieurs condamnations pour diffamation –, pour un incessant «  muslim bashing  », au nom d’un féminisme étriqué dans une approche ultra-laïcarde. Elle dépeint ainsi, dans un livre que l’on sait depuis truffé d’erreurs, Tariq Ramadan en dangereux extrémiste, alors qu’il est plutôt considéré comme le représentant d’un courant réformateur de l’islam [^2]. Ses prises de positions lui valent d’avoir bientôt son rond de serviette dans des médias influents : du Monde (jusqu’en 2012, où beaucoup ne supportaient plus ses approximations) à France 2, France Culture, France Inter – grâce à Philippe Val… Omniprésente, elle multiplie les attaques contre ceux qui critiquent la politique israélienne ou défendent une égale approche de l’islam et des autres confessions. La Ligue des droits de l’homme, le sociologue des religions Jean Baubérot, ou le politologue Pascal Boniface sont ses cibles favorites. Elle leur oppose, dans son dernier livre, Éloge du blasphème, « la gauche universaliste et laïque [entendez la sienne, ndlr] [qui] vise l’égalité de tous […].

Antiraciste et antitotalitaire, elle s’est bâtie dans le rejet de l’idéologie nazie ». Imparable, même si un tantinet simpliste… À propos de cette « success woman de la guerre contre l’islam », le fondateur d’Act Up et de Têtu, Didier Lestrade, écrit dans Pourquoi les gays sont passés à droite  : « Qu’un gay ou qu’une lesbienne de gauche puisse s’attaquer à une minorité plus faible que celle à laquelle il appartient est à mes yeux inacceptable. » Non sans s’interroger : « Comment une lesbienne, parfaitement au courant du traitement réducteur et de la déformation de sa propre minorité dans les médias, en vient-elle à reproduire exactement le même procédé stigmatisant les musulmans ? » Finalement, ce ne sont pas tant ses convictions que l’on peut reprocher à Caroline Fourest, même si on ne les partage pas, que les moyens discutables dont elle use pour préserver un statut médiatique, à force de contre-vérités et d’attaques personnelles, ou de prétentions à un savoir qu’elle n’a pas qui confinent parfois à l’imposture. Caroline Fourest occupe avec ostentation le « créneau » de l’intellectuelle toujours du côté du manche… Une sinécure.

[^2]: Cf. les entretiens entre Edgar Morin et Tariq Ramadan dans Au péril des idées (Presses du Châtelet, 2014) et Politis (n° 1303 du 15 mai 2014).

Publié dans le dossier
Enquête sur les réacs de gauche
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