Fuites de lait en Belgique
La ferme-usine des 1 000 vaches, près d’Abbeville, accentue la crise de la production laitière. Explications.
dans l’hebdo N° 1357 Acheter ce numéro
La ferme des 1 000 vaches, accélérateur de crise ? La fin des quotas laitiers, depuis le 1er avril, a fait sauter la dernière protection des éleveurs contre la volatilité des cours mondiaux et la concurrence des fermes-usines en Europe, contribuant à la crise de la production laitière. Ainsi, une bonne partie du lait produit par la ferme des 1 000 vaches, à Drucat, près d’Abbeville (Somme), s’en va en Belgique vers deux laiteries, dont celle de Zonhoven, à 340 kilomètres de Drucat. Là-bas, la société Limelco fabrique des fromages, des desserts et des boissons lactées pour de grandes marques comme Danone.
« Le ramassage a lieu** toutes les 48 heures et l’entreprise de transport ne livre qu’en Belgique »,* assure Michel Kfoury, président de Novissen, une association locale opposée à la ferme des 1 000 vaches. Les milliers de litres de lait sont vendus en Belgique à un prix défiant toute concurrence : « De grandes quantités de lait à bas prix arrivent sur le marché belge alors qu’on a déjà un tarif très bas, entre 25 et 26 centimes le litre. Cela crée une pression à la baisse sur les prix », constate Gwenaëlle Martin, chargée de mission sur la politique agricole à la Fédération unie de groupements d’éleveurs et d’agriculteurs (Fugea), une organisation belge proche de la Confédération paysanne. « La baisse du prix du lait accentue la diminution du nombre de petits producteurs et provoque le regroupement de fermes qui ont investi pour produire de plus en plus et exporter leur lait », déplore Gwenaëlle Martin. « On constate le même phénomène en France, ajoute Michel Kfoury. Or, la ferme-usine de Drucat n’est pas rentable avec ses 500 vaches, et aucune laiterie française ne travaille actuellement avec elle », notamment en raison de la surproduction laitière en France.
La crise actuelle a fait chuter le prix du litre de lait en dessous des coûts de production. Michel Ramery, propriétaire de la ferme-usine et riche entrepreneur du BTP dans le Nord-Pas-de-Calais, en convient. Il a demandé à la préfecture l’extension du cheptel de la ferme à 880 bêtes. Une course au gigantisme et à la rentabilité qui met vent debout les opposants, lesquels pointent les risques sanitaires et environnementaux du déversement en masse des lisiers sur le territoire. Les petits éleveurs de la région sont eux aussi inquiets, car mis en concurrence avec une usine qui emploie des salariés low cost. « Le gouvernement doit exiger que la Commission européenne reconnaisse l’état de crise, pour que les éleveurs ne soient plus jamais payés en dessous de leurs coûts de production », revendique la Confédération paysanne. Elle a cependant peu de chance d’être entendue, bien que les indicateurs soient au rouge dans l’Union européenne.