Le goût : un facteur de soin

La nourriture bio à l’hôpital, en favorisant le plaisir et l’appétit, permettrait de réduire la durée des hospitalisations.

Julia Gualtieri  • 3 juin 2015 abonnés
Le goût : un facteur de soin
© Photo : CITIZENSIDE / CHRISTOPHE ESTASSY / AFP

Depuis 2009, la loi demande aux organismes de restauration collective d’introduire 20 % de produits bio dans leurs achats alimentaires. Mais, alors que les hôpitaux français doivent économiser 3 milliards d’euros en trois ans, faut-il développer le bio, aussi coûteux que complexe à mettre en place ? « L’intérêt est de répondre à la demande   », souligne Élisabeth Mercier, directrice de l’Agence bio. Selon les études menées par cet organisme d’État, 76 % des Français sont demandeurs de bio à l’hôpital, un des trois pourcentages les plus élevés avec l’école et la restauration au travail. Ces deux derniers secteurs sont d’ailleurs les plus avancés, avec respectivement 74 % et 62 % d’établissements proposant des produits bio. Du côté de la santé et du social, l’introduction est moindre, avec 26 % des restaurants engagés dans cette dynamique, dont seulement 4 % d’hôpitaux, le reste étant dû aux progrès du bio en maisons de retraite. «   L’hôpital est un milieu complexe, en gouvernance partagée, et il faut une grande coopération et de l’implication pour que tous aillent dans le même sens », explique Élisabeth Mercier. Pourtant, le bio n’est pas sans intérêt à l’hôpital, où la dénutrition des patients est une question majeure. Selon les Hospices de Lyon, près de 50 % des patients sont dénutris. Le problème viendrait surtout du contexte : un appétit moindre du fait de la maladie, une perte de goût liée à la prise de médicaments et la difficulté de manger allongé. Non que les produits bio soient systématiquement plus riches en nutriments, indique Monique Garnon, responsable des achats au CHU de Reims et ancienne diététicienne : « Certes, il n’y a pas de produits nocifs comme les pesticides, mais, sur une hospitalisation moyenne de trois ou quatre jours, ça ne change rien. »

La différence se fait sur le goût. Un détail qui a son importance pour retrouver le plaisir de manger en court comme en long séjour, et les retours sont unanimement positifs. Selon Didier Girard, ingénieur chargé de la restauration au centre hospitalier du Mans, qui intègre à ses achats un peu de bio et beaucoup de local, « l’alimentation est un soin à part entière ». Des patients mieux nourris, qui ont plaisir à manger, ont une durée de séjour plus courte parce qu’ils guérissent mieux, assure Didier Girard, également auteur d’un rapport sur la dénutrition. Plus largement, l’enjeu du développement du bio en restauration collective est aussi de sensibiliser les convives. Ainsi, pour Martine Guillet, productrice de légumes, « les scolaires sont nos clients de demain, et les élèves de primaire sont très réceptifs   ». Les hôpitaux développent le bio dans les restaurants du personnel dans cet objectif. Les repas étant dans ce cas payants, le coût des produits peut être plus facilement amorti. L’intérêt réel dépasse donc les frontières de l’hôpital et des restaurants collectifs. « Ce sont des établissements ancrés dans des territoires, il est important pour eux de faire du lien, de développer des dynamiques locales   », précise la directrice de l’Agence bio. Les producteurs locaux en ont conscience, à l’image de Martine Guillet : «   Notre objectif est de vendre en région, et un hôpital est un client de proximité, de longue durée, qui offre une visibilité sur la production. » L’association dont elle est la trésorière, Manger bio Champagne Ardenne, ne travaille qu’avec des organismes de restauration collective. « Il nous faut beaucoup de temps pour nous mettre en adéquation, mais ces marchés sont de belles récompenses.  »

Écologie
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