Le Libé de Lindon (« À flux détendu »)
De novembre 2014 à février 2015, Mathieu Lindon a tenu un journal où il décrit la vie de l’entreprise qui l’emploie : Libération.
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De novembre 2014 à février 2015, Mathieu Lindon a tenu un journal où il décrit la vie de l’entreprise qui l’emploie : Libération. Jours de Libération (POL, 284 p., 16 euros) est un texte inouï. Parce que les récits de journalistes racontant ce qu’ils ont vécu dans un organe de presse, c’est toujours a posteriori qu’ils les écrivent. Mathieu Lindon l’a fait « en temps réel ». Au moment où le quotidien traverse une crise historique. Une centaine de salariés vont faire jouer la clause de cession. Partir ou rester : la question est obsédante, elle peut même devenir emblématique de toute une existence. Mathieu Lindon ne l’a pas encore tranchée quand s’ouvre son livre. Tout à cette interrogation, il constate à quel point il est attaché à ce journal. Comment son travail à Libération n’est en rien conflictuel avec son écriture littéraire, bien au contraire. On peut penser ce que l’on veut du quotidien, des positions qu’il défend – ainsi que de sa nouvelle formule, en kiosque depuis lundi – Jours de Libération est hors de tout jugement de ce type. Voilà un livre d’introspection amoureuse de ce qui agite l’auteur, l’enthousiasme ou l’excite dans le métier qu’il exerce là où il l’exerce et avec des gens, pour certains, qu’il aime (mais beaucoup de ceux-là s’en vont, ce qui le désole). Mathieu Lindon n’est pas béat pour autant. Il a ses partis pris en matière journalistique et tient à un Libération qui n’est pas forcément celui que l’avenir dessine. Mais l’expression de sa sincérité ne passe par aucune amertume ou règlement de comptes. Son regard ne se départit jamais d’une élégante acuité, envers les uns et les autres, à laquelle se mêle de la tendresse quand surviennent les tragiques attentats de début janvier. Jours de Libération est à la fois un passionnant documentaire, subjectif et empathique, sur un grand quotidien en difficulté et le portrait d’un écrivain dévoilant le sens d’une passion qui le constitue au même titre que la littérature : le journalisme.
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