« Les Républicains » : La novlangue se délie
« Les Républicains » n’est pas la seule appellation politique trompeuse. Ni la pire.
dans l’hebdo N° 1356 Acheter ce numéro
La nouvelle appellation de l’UMP est légitimement contestée. Qu’un parti, qui ne rassemblera jamais qu’une petite fraction de la population, prétende privatiser à son seul profit, et pour des intérêts conjoncturels, un qualificatif commun à tous ceux qui se revendiquent d’un régime de gouvernement – la république – est un scandaleux hold-up. D’autant qu’à entendre son président, « Les Républicains » auraient pour devise « liberté, autorité, mérite », oubliant ainsi deux tiers de la devise de la république française. Qu’ils se présentent en outre comme les seuls défenseurs de la laïcité quand Nicolas Sarkozy soutenait dans son discours de Latran, en 2007, que « l’instituteur ne remplacera jamais le curé ou le pasteur » dans la formation de la jeunesse, n’est qu’une farce supplémentaire. Ces mal nommés ne font toutefois pas exception. Ni dans l’histoire, qui a vu des despotismes bureaucratiques s’appeler « démocraties populaires ». Ni dans le paysage contemporain.
Qu’a encore de socialiste le parti qui en porte le nom ? Voilà bien longtemps que la socialisation des moyens de production n’est plus son objectif. Faute d’attaches avec le monde du travail et ses syndicats, le PS (et la SFIO déjà avant lui), dirigé par des élites bourgeoises, a plus été un parti républicain de gauche, radical-socialiste, que réellement socialiste. Son évolution s’en éloigne toujours plus. « La “politique de l’offre” poursuivie par François Hollande et Manuel Valls », et que viennent d’approuver très majoritairement les adhérents du PS, « n’est ni de “gauche” ni même “social-démocrate” : c’est un “néolibéralisme conservateur” », nous dit le politologue Philippe Marlière.
Ces appellations insidieuses ne trompent plus guère que ceux qui veulent se laisser circonvenir. Elles ne datent pas d’hier, mais ont une fâcheuse tendance à envahir nos modes de pensée. La « novlangue » néolibérale, devenue hégémonique, est à cet égard autrement plus lourde de conséquences. Un syndicaliste belge, Angelo Basile, donnait quelques exemples, samedi, au Forum européen des alternatives, de ces chats rebaptisés chiens : « On parle de “flexibilisation” pour désigner la précarisation des travailleurs, de “modération” salariale au lieu de baisse des salaires, de “modernisation” pour indiquer que l’on va démanteler les services publics et privatiser des pans entiers de l’économie, et de “réformes structurelles” en lieu et place de démantèlement des acquis sociaux et de confiscation du dialogue social ! » Cette liste, très loin d’être exhaustive, prêterait à sourire si l’on ne savait depuis deux siècles que c’est par les mots que nous pensons. Alors quand ceux-ci sont faux…