Plus longue, la chaîne

M. Berger, de la CFDT, s’est bien gardé de trop s’offusquer de la nouvelle vilenie du Medef.

Sébastien Fontenelle  • 3 juin 2015 abonné·es

Après avoir, suppose-t-on, mesuré qu’il serait un peu délicat d’exiger tout de go le rétablissement de l’esclavage, le Mouvement des entreprises de France (Medef) – le syndicat des patron(ne)s (comme dit la presse comme il faut), que préside M. Gattaz, Pierre – a proposé, en guise de réforme des retraites, « un report à 67 ans du taux plein, avec un abattement des pensions de 40 % à 62 ans [^2] ». (Courage, salarié(e)s : y a une vie de merde après le boulot.) Ce qu’oyant, Laurent Berger, secrétaire général de la Confédération française démocratique du travail (CFDT), a rétorqué, dans un emportement qui ne s’était plus vu depuis les grandes grèves de 1947, qu’il en avait, cette fois-ci, ras le pompon des provocations des patrons (PDP), et que si M. Gattaz, Pierre, voulait la guerre, M. Gattaz, Pierre, aurait la guerre, qu’est-ce que c’est que ces gens, p***** de m**** ?

Cette ire (impressionnante) n’est pas illégitime : il est de notoriété publique que, depuis son élection à la chefferie de l’État françousque, M. Hollande, François, en authentique « socialiste », a continûment distribué dans le patronat des dizaines de milliards de dollars qui devaient être, assurait-il, affectés à la création de tant d’emplois que la hausse du chômage ne serait bientôt plus qu’un lointain et mauvais souvenir, mais dont le versement n’a bien évidemment été – surprise –  d’aucun effet sur ladite hausse, et dont chacun(e) peut donc très facilement constater qu’ils ont par conséquent sponsorisé d’abord les PDP. C’est cela, tu l’auras compris, qui explique l’emportement (spectaculaire) de M. Berger, Laurent : l’excellent homme n’a tout simplement pas supporté qu’on le prenne si fort pour un benêt. (Et, quant à moi, je comprends cela, car il m’est arrivé de m’irriter pour bien moins.)

Je rigole, bien sûr : dans la vraie vie, M. Berger, en authentique secrétaire général de la CFDT, s’est bien gardé de trop s’offusquer de la nouvelle vilenie du Medef. Tout au rebours, il a répondu (en jurant et crachant, ptou, ptou, que son empressement à se soumettre lui était dicté par son sens aigu du réalisme et son irrépressible envie de moderniser le dialogue social) qu’il était tout à fait d’accord pour un abattement des pensions des retraité(e)s – mais à condition qu’il soit « temporaire » et de « 10 % » seulement. Ton patron te propose gentiment de t’administrer cent coups de bâton ? Call the CFDT : elle réclamera pour toi qu’il tempère ses ardeurs et ne t’en donne que trente – le temps de vérifier si un deal plus satisfaisant ne pourrait pas être trouvé. Ton patronat veut réellement rétablir l’esclavage et son joyeux folklore (n’oublie jamais, Buddy, que sans tous ces coups de fouet tu ne saurais pas ce qu’est le blues )   ? Appelle ton délégué démocratique du travail : il se hâtera d’enfiler sa jolie casaque jaune bouton d’or et de négocier pour toi « de plus longues chaînes » et « de plus grandes cages » – comme dit si bien dans une chanson [^3] mon camarade Fred Alpi.

[^2]: Le Journal du dimanche, 31 mai 2015.

[^3]: Que tu peux écouter ici : www.youtube.com/watch?v=9_OvQyKR7s4

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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