« Valeurs », mon cul !

Françoizollande est ce gars, tu sais, que tu as mis dans l’Élysée en 2012 [^2] – après qu’il avait notamment proclamé qu’il ambitionnait, si qu’on l’élisait à la chefferie de l’État français, de « porter haut la voix et les valeurs de la France dans le monde ». Après quoi, dans les années (trois seulement, si tu recomptes, mais reconnais qu’elles ont donné l’impression de durer vingt siècles) qui ont suivi cette installation, il n’a pas manqué de répéter ce mot –  « valeurs »  – à l’envi, un peu comme s’il avait pris le goût de s’en faire des bains de bouche et gargarismes, grrrllrrrlllrrrll, ptou, ptou [^3].

Le 17 janvier dernier, par exemple, comme des populations arabiques manifestaient violemment contre la publication d’une nouvelle caricature de Mahomet à la une de l’hebdomadaire Charlie Hebdo, Françoizollande, « en visite dans son fief corrézien de Tulle [^4] », a répété que nous autres, Françousques (qui éclairons tout de même le monde de nos Lumières depuis maintenant pas mal de temps, merci de pas l’oublier), avions « des principes » et « des valeurs », et qu’on n’était notamment pas du genre qui transige avec « la liberté d’expression », t’as vu. Perso : j’ai trouvé ça beau. Puis je me suis souvenu que le mec avait pris, comme en son temps son prédécesseur de l’autre droite, le pli de s’empresser auprès des gouvernants de l’Arabie saoudite –  « le plus obscurantiste des États islamiques », d’après Gilbert Achcar [^5] –, où le blogueur Raef Badaoui venait d’être condamné à recevoir (entre autres) mille coups de fouet pour avoir précisément cru pouvoir user de cette « liberté d’expression » avec quoi Françoizollande se rince la bouche et se gargarise.

Et, bien sûr, j’ai tout de suite pensé que c’en serait assez rapidement fini de cet empressement : noblesse d’âme oblige, Edwige, surtout quand t’es un « socialiste » cramponné à ses « principes » et « valeurs » comme la moule à son rocher – alors compte plus jamais que j’irai faire des salamalecs à des chasseurs de blogueurs, rappelle-toi que tu m’as posé là pour que je porte haut la voix de la Fraaaance.

Or, ce n’est pas du tout ce qui s’est passé. Tout au rebours, Françoizollande a continué, impavidement, ses pèlerinages à Ryad, où la condamnation de Raef Badaoui vient d’être confirmée – et vas-y que je t’en serre cinq, et vas-y que je t’étreins les chefferies obscurantistes, et vas-y que, sitôt que revenu, je recommence à psalmodier que je transigerai jamais sur mes « principes » de chevet. Et tu me diras qu’on sait tout ça, et que ces foutages de gueule sont de tradition chez les « socialistes ». Je n’en disconviens certes pas, mais la nausée, vois-tu : ça ne se contrôle pas.

[^2]: Et nonobstant que je t’avais moult fois prévenu(e), rappelle-toi, qu’étant de gauche, tu en concevrais assez vitement de l’amertume, comme toujours quand tu te laisses prendre aux promesses des « socialistes », qui sont de droite – mais t’as pas écouté, hein ?

[^3]: Reconnais que j’excelle dans la restitution du bruit du bain de bouche et gargarisme.

[^4]: Comme dit la presse comme il faut.

[^5]: Le Monde diplomatique, juin 2015. La même remarque a été maintes fois formulée par Noam Chosmky.