Y’a Bon Awards : la gauche plane sur le palmarès 2015
Les Indivisibles organisaient vendredi les sixièmes Y’a Bon Awards. Au palmarès de cette cérémonie ironique : Caroline Fourest, Philippe Val, Michel Sapin et bien d’autres.
« La parole raciste s’est libérée dans les médias ». C’est sur ces paroles d’Amadou Ka, président des Indivisibles, que s’ouvre la sixième édition des Y’a Bon Awards.
Tout au long de la soirée, le jury remet un trophée en forme de banane à différents politiques, journalistes et philosophes récurrents sur les plateaux télé et radio pour des propos jugés racistes qu’ils ont tenus au cours de l’année.
L’ambiance est décontractée, les plaisanteries sont légion, les rires aussi. Pour Julien Salingue, docteur en sciences politiques et membre du jury, « il est important de rire pour montrer que l’on n’accepte pas ces paroles racistes » . Une certaine tension due au climat de l’après- Charlie était tout de même palpable.
Alain Soral et Dieudonné, « hors catégorie »
Sans surprise, Marine Le Pen et Robert Ménard figurent au moins une fois parmi les nominés. Mais les Indivisibles dénoncent également un racisme latent présent chez les personnalités publiques dites de gauche.
A noter que le jury n’a même pas pris la peine de nommer Dieudonné ou Alain Soral dont les propos racistes ont été jugés « hors catégorie ».
Et les bananes d’or 2015 sont…
Philippe Tesson remporte ainsi la banane dans la catégorie Est-ce qu’on peut encore le dire ? . Le journaliste et chroniqueur est récompensé pour avoir déclaré le 22 janvier dernier sur France Inter que les musulmans « avaient amené la merde en France » .
Dans la deuxième catégorie, Caroline Fourest s’impose juste devant Alain Finkielkraut dans la catégorie Ils ont bien le droit de fantasmer . A égalité à l’issue du vote des jurés, la journaliste a récolté plus d’applaudissements pour avoir dit une vérité connue d’elle seule. Le 3 février elle affirme sur LCP que dans « les territoires perdus de la République » (comprenez les banlieues) des familles, « au nom de leurs convictions religieuses, retirent leurs enfants des cours d’histoire quand on enseigne la Shoah » .
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Son adversaire du soir, le philosophe Alain Finkielkraut, était nominé pour avoir estimé que « l’antisémitisme musulman était majoritaire » .
Des paroles qui symbolisent l’exaspération des Indivisibles et du public des Y’a Bon Awards. Plusieurs d’entre eux dénoncent que, sous couvert de la liberté d’expression, des intellectuels se permettent de critiquer des communautés sans arguments ni fondements.
Les membres du gouvernement n’étaient pas en reste. Manuel Valls et Stéphane Le Foll ont tous les deux été nominés pour des propos anti-Roms. Mais c’est Michel Sapin , ministre des Finances, qui remporte la banane La faute à (la promo) Voltaire . La CGT et SUD ont dénoncé, en décembre 2013, un dérapage de l’ex ministre du Travail. Lors d’une remise de cartes professionnelles à des inspecteurs du travail, ce dernier avait plaisanté sur le nom à consonance maghrébine d’un homme en lui demandant si « ça ne faisait pas un peu racaille » .
Le nom des Y’a Bon Awards fait référence à l’ancien slogan publicitaire raciste et néocolonialiste de la marque de cacao Banania. Ainsi, sans surprise, le journaliste Philippe Val est le vainqueur de la catégorie Le bon pedigree . Dans son livre Malaise dans l’inculture (Grasset, 2015), il écrit :
« Plus encore que les mauvais traitements, cet anticolonialisme reproche à la colonisation d’avoir donné à des Arabes, des Africains, des Indochinois, le goût de la démocratie et de la culture » .
Lire > Philippe Val : le néoconservateur
La parole raciste est également présente sur les réseaux sociaux. La cérémonie récompense le racisme en 140 signes sur Twitter. Natacha Polony remporte le prix pour une blague à l’humour douteux sur Leonarda.
Contre pouvoir
Pour Amadou Ka, « l’humour est un contre-pouvoir redoutablement efficace » . Même son de cloche pour l’animateur de la soirée, Matthieu Longatte, comédien et auteur interprète des podcasts Bonjour Tristesse . « On s’organise un espace public qui sert de contre-pouvoir face aux faiseurs d’opinions qui passent partout à la télé. C’est notre outil de résistance » .
Pour clôturer la soirée en beauté, les Indivisibles ont annoncé avoir lancé des procédures judiciaires, qui déboucheront sur un procès le 6 novembre prochain, contre Eric Zemmour dont le nom ne figure étonnamment pas parmi les lauréats 2015.
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