Europe : L’épreuve de la démocratie

Les autorités européennes sont au pied du mur.

Dominique Plihon  • 8 juillet 2015 abonné·es

Avec la Grèce, l’oligarchie politico-financière européenne a voulu faire la démonstration qu’il n’existe pas d’alternative aux politiques néolibérales et austéritaires. Le drame économique et social de la Grèce illustre au plus haut point l’échec de ces politiques avec la hausse vertigineuse des inégalités, du chômage et du poids de la dette. La zone euro est devenue la région du monde dit « développé » la plus déprimée et affaiblie, au moment d’affronter les défis du XXIe siècle. À commencer par la crise climatique qui requiert de mobiliser les énergies humaines et financières.

Le « oxi ! » du peuple grec exprime le refus de ces politiques pour la deuxième fois en moins de six mois. Ce vote est aussi une sanction du comportement antidémocratique des responsables politiques européens. Tous les citoyens ont pu constater le déni de démocratie subi par le peuple grec et son gouvernement. Non seulement le gouvernement Tsipras a été empêché d’appliquer le programme pour lequel il a été élu, mais les « institutions » européennes et le FMI ont aussi renié leurs engagements. Au premier rang desquels la promesse d’une restructuration de la dette grecque dès lors que le gouvernement dégagerait un excédent primaire, c’est-à-dire un excédent budgétaire hors service de la dette. Cet excédent primaire a été obtenu au prix fort, mais la BCE et le FMI ont continué d’asphyxier financièrement le gouvernement grec, dont ils veulent la perte.

Les autorités européennes sont au pied du mur. Un deuxième déni de démocratie serait très risqué. Car le résultat du référendum grec a une portée politique considérable, qui va au-delà des questions économiques. La perte de confiance dans les « institutions » – troïka et Eurogroupe – va déborder les frontières grecques, et elle pourrait conduire à une crise politique globale, alimentée par des mouvements de résistance de nature diverse. La crise grecque agit comme un révélateur de ce qu’est la construction européenne : un système néocolonial, avec une domination et une exploitation des pays de la périphérie par les États mercantilistes du Nord, grands bénéficiaires de la zone euro et principaux créanciers. Les dimensions géopolitiques de la crise grecque apparaissent désormais au grand jour. Car l’affaiblissement politique et économique de la Grèce rendra problématique le rôle d’Athènes comme pôle de stabilité entre les Balkans, instables, et le Moyen-Orient, au bord de l’explosion.

Le grand mérite de ce référendum est de montrer que des politiques alternatives sont inévitables pour éviter une remise en cause irréversible de la construction européenne. Deux avancées sont nécessaires en direction des pays de la périphérie afin de rompre avec la logique néocoloniale. D’abord, la tenue d’une conférence européenne pour la restructuration des dettes, avec un moratoire immédiat au profit des pays les plus endettés. Ensuite, la mise sur pied d’un programme d’investissement public européen, dans le double objectif d’accompagner la transition écologique et de moderniser les appareils de production des pays de la périphérie. Ce changement de cap ne se produira pas sans une pression continue des citoyens et des mouvements sociaux : c’est le message envoyé par le peuple grec !

Chaque semaine, nous donnons la parole à des économistes hétérodoxes dont nous partageons les constats… et les combats. Parce que, croyez-le ou non, d’autres politiques économiques sont possibles.

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