Le petit Boutih des horreurs

L’on vient d’apprendre, à la faveur – façon de parler – de la remise officielle de cet édifiant document, que M. Valls, Manuel, Premier ministre, qui passe pour être un « socialiste », avait, il y a quelques mois, discrètement commandé à M. Boutih, Malek, qui en serait un autre, un rapport sur la radicalisation jihadiste d’une partie de la jeunesse française. Bien évidemment, M. Valls, qui ne peut pas ne pas avoir eu vent de quelques-unes de ses plus marquantes proférations passées, aurait pu confier cette mission à quelqu’un de moins ostensiblement cliveux, sur de tels sujets, que M. Boutih.

Mais il est vrai aussi – on s’en parlait ici même pas plus tard que la semaine dernière, si tu te rappelles – que M. Valls a récemment déclaré qu’il regardait désormais « l’islam » comme un « enjeu électoral », et qu’il ne lui déplaît sans doute pas trop de s’équiper, pour les futures joutes verbales où il disputera à l’autre droite (au prétexte, chez lui coutumier, de briser quelques tabous) le monopole de la fermeté laïcardo-républicanière, d’une argumentation un peu contondante, et qui ne sollicite pas démesurément l’intelligence des votant(e)s, merci d’avance. À cet égard, le rapport de M. Boutih (RDM.B) sera, n’en doutons pas, d’une remarquable utilité. Puisqu’en effet son auteur, définitivement émancipé du fardeau de la complexité [^2], narre, par exemple, que « les islamistes ont élaboré une méthode pour s’implanter, élargir leur sphère d’influence et recruter dans notre pays sur tout le territoire ». Ajoutant : « C’est là le rôle du voile puis de la burqa, ou des barbes non taillées et des vêtements traditionnels, voire de codes permanents comme le port de pantalons courts laissant voir les chevilles. » (Tu croises un mec en djellaba ? Un ado en mollets ? Fuis de toutes tes jambes : c’est des daechistes.)

Et, certes, des observateurs ont relevé, dans le RDM.B, quelques minuscules légèretés – comme le fait que l’un des experts consultés pour sa confection [^3] se signale régulièrement par une délicatesse d’âme qui lui a notamment fait proclamer : « Je pisse sur Allah et sa secte. » Mais, après tout, d’autres exégètes ont réservé à ce document un accueil bien plus enthousiaste : le Figaro l’a adoré, puis Mme Pen, toutement conquise, a proclamé que Malek Boutih avait « au moins un mérite, c’est que souvent, en matière d’immigration et de développement du fondamentalisme, il a une vision plutôt plus courageuse que les socialistes et même qu’un grand nombre d’UMP ». Et tout cela fait, n’en doutons pas, d’heureuses nouvelles pour M. Valls : doté de la sorte – aux frais des contribuables –, il n’aura, gageons-le, guère de difficulté à triompher de l’adversité où le mettront les débats électoraux d’inspiration identitaire qu’il pressent si avidement.

[^2]: Il suggère notamment que l’État islamique, Syriza et les ZAD procèdent au fond d’une même propension au radicalisme…

[^3]: M. Boutih a également cru devoir recueillir l’avis de représentants du Front national de la jeunesse – dont la radicalité n’égale sans doute pas celle des porteurs de barbes non taillées.