Les cruels dilemmes de Syriza
Le parti d’Alexis Tsipras est dans une situation paradoxale. Il connaît une crise très grave de contestation des choix gouvernementaux, mais reste majoritaire dans le pays. L’analyse d’Angélique Kourounis.
dans l’hebdo N° 1363-1365 Acheter ce numéro
Une fois de plus, la gauche grecque, et plus particulièrement Syriza, se déchire. Sauf que cette fois le dilemme n’est plus théorique, mais on ne peut plus pratique. Le parti de la gauche radicale est au pouvoir, et il doit voter des textes de lois au Parlement. Des textes qui n’ont plus rien à voir avec les promesses électorales. Pire, non seulement ils sont l’émanation d’une politique néolibérale aux antipodes de celle de Syriza et de tout parti de gauche qui se respecte, mais de ce vote et de cette mise en application dépend l’injection de liquidités dans l’économie totalement paralysée du pays.
C’est probablement ce qu’a voulu dire le nouveau ministre du Travail, Georges Katrougalos, soulignant, lors de sa prise de fonction, que « cet accord avec les créanciers n’est pas un nouvel accord de Varkiza. Nous avons gardé nos armes et ces armes sont le gouvernement ». Varkiza est l’accord historique où la gauche grecque, qui avait résisté aux nazis, avait dû rendre les armes en février 1945… Sauf qu’aujourd’hui ce gouvernement a perdu sa majorité, il est désormais soutenu par les conservateurs et les socialistes du Pasok. Une position intenable pour Alexis Tsipras, lequel a accusé les députés de Syriza de le lâcher à un moment où il a besoin d’eux plus que jamais. Et il a menacé : si, lors du prochain vote, moins de 120 députés de sa majorité votent pour les réformes exigées, il démissionnera. Et là se pose le second dilemme du parti : soutenir Tsipras malgré le mémorandum d’austérité au risque de devenir un parti « social-démocrate » comme le Pasok, ou rester fidèle à ses convictions, quitte à faire tomber le gouvernement et faire le jeu de Wolfgang Schäuble ? Un terrible cas de conscience ! Jusqu’à présent, le camp des pro-Tsipras l’emporte mathématiquement, mais cela ne met pas Syriza à l’abri d’une scission entre les « modérés » et les « purs et durs » menés par Panagiotis Lafazanis, ex-ministre de l’Energie démissionnaire. Il pourrait fonder son propre parti, crédité, selon le journal Dimocratia, de 12 % des voix. Si cela se vérifiait, il serait la troisième force politique du pays, mais emporterait avec lui toute velléité de gouvernement de gauche. D’où les appels à l’unité de Theano Photiou, vice-ministre de la Solidarité, qui a choisi de rester sur le navire : « Le programme de Thessalonique s’est écroulé, et on doit construire quelque chose de nouveau, sauver ce qui peut l’être. » Un argument d’autant plus audible qu’en cas d’élections Syriza obtiendrait encore 42 % des voix, selon les derniers sondages…