Miriam Makeba : une voix universelle

Un coffret « indispensable » donne à entendre la force du combat de « Mama Africa ».

Denis Constant-Martin  • 1 juillet 2015 abonné·es
Miriam Makeba : une voix universelle
© **The Indis-pensable** , Miriam Makeba 1955-1962, 3 CD, Frémeaux. Photo : AFP

Lorsque Miriam Makeba (1932-2008) revient en Afrique du Sud en 1990, elle est une chanteuse mondialement adulée, une femme respectée pour son action en faveur des libertés, mais elle porte toujours le fardeau de l’exil. Celle que l’on a surnommée « Mama Africa » a connu le meilleur et le pire : la musique sans frontières qu’elle absorbe dès l’enfance et qu’elle continuera toute sa vie de transfigurer ; le racisme et l’ostracisme qui, pendant trente ans, lui interdiront de rentrer dans son pays. Et qui, à la suite de son mariage avec le militant afro-américain Stokely Carmichael, l’empêcheront pratiquement de travailler aux États-Unis.

Mais c’est bien la musique qui lui a permis de surmonter la ségrégation, la pauvreté, les avanies de toutes sortes. Formée au chant choral dès l’école primaire, fascinée par les musiques américaines qui nourrissaient l’invention d’un jazz sud-africain très dynamique dans les années 1950, Miriam Makeba devient soliste des Manhattan Brothers, un des groupes vocaux les plus populaires de l’époque, et crée, de son côté, un ensemble féminin, les Skylarks (les Alouettes).

Sa voix radieuse, miroitant d’innombrables couleurs, se promène sur une ample tessiture en des phrasés d’une extraordinaire souplesse. Miriam Makeba incarne la force de création qui sourd des quartiers africains de Johannesburg. C’est d’ailleurs dans ce rôle que la montre le film de Lionel Rogosin Come Back Africa (1959) ainsi que l’opéra jazz sud-africain King Kong (1959). Le talent qu’on découvre dans le film (à l’étranger) et sur scène (en Afrique du Sud) lui vaut une invitation en Europe, remarquée par Harry Belafonte, qui la recevra aux États-Unis. Sous sa houlette, elle interprète un répertoire de superbes mélodies sud-africaines mais explore aussi d’autres horizons : chanson indonésienne, ballade inca, folk américain, calypso, samba…

Rejetée par le show-business états-unien, Miriam Makeba s’établira ensuite en Guinée, puis à Bruxelles, et reviendra sur la scène mondiale avec la tournée Graceland de Paul Simon. L’universalité de son chant livre l’assise sur laquelle elle appuie ses actions contre l’apartheid et les atteintes aux droits humains, comme l’aide concrète qu’elle apporte aux Sud-Africains en exil. Le présent coffret couvre sa période sud-africaine initiale et ses débuts américains. On y entend mûrir la voix et s’épanouir le talent. Dommage que ces enregistrements exceptionnels soient accompagnés d’un livret entaché d’erreurs et d’approximations.

Musique
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