Sun Kil Moon : Liberté de paroles
D’abord déconcertant, le nouvel album de Sun Kil Moon devient vite irrésistible.
dans l’hebdo N° 1366 Acheter ce numéro
« Je me souviens de la première fois que j’ai écouté “Tea For One” de Led Zeppelin sous Valium allongé près de la fenêtre de ma chambre, absorbant la chaleur des rayons de soleil d’un après-midi caniculaire et durant ces quelques minutes j’ai été totalement content et j’emporterai ce souvenir dans ma tombe… » Sun Kil Moon est un bavard qui ignore la ponctuation. Et ses chansons sont de longs monologues qui, dans une totale liberté, prennent toutes les bifurcations possibles sans que leur flot en soit affecté. En tout cas jusqu’à ces brusques ruptures précédant des parties instrumentales qui apparaissent comme l’équivalent de ponts entre deux couplets dans des chansons plus classiques. La différence est que ces parties sont souvent très longues et qu’elles ne débouchent pas forcément sur une reprise du morceau à l’endroit où il s’était interrompu.
Sun Kil Moon est en fait Mark Kozelek, ex-leader des Red House Painters, groupe de San Francisco auteur de six albums dans les années 1990. Universal Themes est son sixième album sous ce nom. Le plus étonnant est que ce qui commence par déconcerter finit rapidement par devenir irrésistible. C’est même une sorte d’envoûtement qui s’empare de l’auditeur à l’écoute de ces très longs récits atteignant fréquemment les dix minutes. Ils sont accompagnés par une instrumentation des plus ténues produite par un duo guitare/batterie, cette dernière étant tenue par Steve Shelley, ex-batteur de Sonic Youth, et leurs variations résident essentiellement dans les changements d’intonation de la voix, qui passe de la vigueur à une langueur pouvant laisser penser que le Valium accompagne toujours le narrateur.
Des récits comme des nouvelles dans lesquelles l’auteur se met en scène, raconte souvent sa vie en tournée, ses rencontres, ses lectures, les musiques qu’il écoute, évoque sa famille ou ses amis, dans un cheminement mental qui enchaîne les sujets sans logique apparente, chacun pouvant aussi déboucher sur un souvenir qui entraîne sur d’autres pistes. Mais c’est justement ce cheminement qui capte l’attention. D’autant que s’y expriment une réelle sensibilité et une palette de sentiments dans lesquelles chacun peut se retrouver. Autant de thèmes universels annoncés par le titre.