Code du travail : Le faux recul du gouvernement
Manuel Valls promet qu’il n’est pas question de toucher aux 35 heures, au Smic et au contrat de travail dans la réforme en préparation. Sans convaincre.
dans l’hebdo N° 1369 Acheter ce numéro
En matière de réforme du droit du travail, le gouvernement se livre à un exercice d’équilibriste où transparaît sa circonspection face aux surenchères du Medef et d’Emmanuel Macron. Tout comme l’organisation patronale, le ministre de l’Économie était monté au front fin août, déclarant notamment que les 35 heures étaient une « fausse idée ». Début septembre, les rapports du think tank Terra Nova, proche du PS, et du libéral Institut Montaigne ont préparé le terrain en proposant un code du travail à la carte avec, par exemple, un Smic variable en fonction des régions et de l’âge des salariés. Lors de la remise du rapport de Jean-Denis Combrexelle, le 9 septembre, Manuel Valls a donc pris soin de ménager les partenaires sociaux et sa majorité. « Plus de souplesse, pas moins de protection », a promis le Premier ministre, qui a écarté l’idée de modifier le seuil de déclenchement des heures supplémentaires pour contourner la durée légale du travail, une des bombes glissées dans le rapport Combrexelle. Il n’est pas question non plus de toucher au Smic, ni aux salaires, ni aux conditions de travail, autant de chiffons rouges pour la gauche et les syndicats. Il s’agit de réformer pour « faire une plus grande place à la négociation collective et en particulier à la négociation d’entreprise », a tranché le Premier ministre, paraphrasant la CFDT, mais sans convaincre les autres syndicats.
Selon le gouvernement, l’élargissement de la place réservée à la négociation d’entreprise dans la réforme en préparation n’est en aucun cas une menace pour les 35 heures.
Le constructeur automobile Smart France, à Hambach, en Moselle, prouve le contraire. Quelque 800 salariés de l’entreprise ont été consultés et ont choisi à 56 % de revenir aux 39 heures hebdomadaires, payés 37 heures, en échange d’un maintien de l’emploi jusqu’en 2020. Forte de ce résultat, la direction doit poursuivre les négociations avec les syndicats, lesquels avaient majoritairement appelé à voter « non ».
La CGT et la CFDT ont formé une intersyndicale pour faire valoir leur droit d’opposition en cas de signature d’un accord.
Les syndicats ont relevé que la loi Fillon de 2004 et celle qui, en 2013, a mis en place les « accords de maintien de l’emploi » ont déjà ouvert la possibilité d’accords dérogatoires au code du travail (voir encadré). « Le Medef promettait, avec cette flexibilisation, des centaines de milliers d’emplois. Dans les faits, ces possibilités n’ont quasiment pas été utilisées par les entreprises », constate l’économiste Christophe Ramaux, un des contributeurs au récent ouvrage de FO sur la négociation collective [^2]. Surtout, le pacte de responsabilité et la récente loi Macron, qui a assoupli les accords de maintien de l’emploi, ont montré dans quelle direction s’oriente Manuel Valls, loin de la modération affichée ces dernières semaines. De son côté, le Medef presse le gouvernement d’agir pour régler le « problème » de la réforme du droit du travail « d’ici à Noël ». Pierre Gattaz, président de l’organisation patronale, répétant qu’il faut que les accords d’entreprise soient prioritaires sur le code du travail. Le pouvoir veut bouger vite, au risque de rencontrer une forte opposition. La CGT, FO, la FSU et Solidaires souhaitent voir cette réforme enterrée, et ont prévu une journée de mobilisation le 8 octobre. Soit quelques jours avant la conférence sociale des 19 et 20 octobre, au cours de laquelle la nouvelle ministre du Travail, Myriam El Khomri, fera le point sur la consultation avec les partenaires sociaux.
[^2]: Regards et réflexions pluridisciplinaires sur la négociation collective, FO, septembre 2015.