EELV : Les voies diverses de l’autonomie

Les écologistes auront bien partout des listes indépendantes du PS. Mais qu’ils se présentent en soliste, comme le souhaitait Emmanuelle Cosse, ou en chef d’orchestre, ils en conservent la maîtrise.

Michel Soudais  • 30 septembre 2015 abonné·es
EELV : Les voies diverses de l’autonomie
© Photo : PATRICK KOVARIK/AFP

Les coups de menton socialistes n’y ont rien changé. Pas plus que les démissions tonitruantes de François de Rugy et de Jean-Vincent Placé. Un mois après les violentes charges des présidents des groupes écologistes de l’Assemblée nationale et du Sénat contre une supposée « dérive gauchiste » d’EELV, les faits sont là. Dans les douze régions métropolitaines, les militants du parti écologiste ont confirmé leur refus de partir au premier tour avec le Parti socialiste. Et dans quatre d’entre elles, dont les deux plus menacées par le Front national, ils ont choisi l’alliance avec tout ou partie du Front de gauche. Mardi après-midi, l’écologiste Sophie Camard et le communiste Jean-Marc Coppola devaient présenter le fruit de leur union dans un restaurant du Vieux-Port de Marseille. Depuis six jours, des responsables des deux partis avaient fait savoir que l’accord était scellé. Restait encore à en régler les détails. Lundi soir, il était acquis que la campagne serait conduite par le binôme Camard-Coppola à égalité d’affichage et d’expression dans les médias, la tête de liste officielle, longtemps réclamée par le PCF, revenant toutefois à l’écologiste. L’accord prévoit également des binômes à la tête des listes de chacune des six sections départementales de la région : quatre EELV, six Front de gauche (dont cinq PCF), deux candidats d’ouverture. Validé par EELV, le PCF (avec un vote à 90 % de sa conférence régionale) et Ensemble !, l’accord attendait encore d’être approuvé par le Parti de gauche, mécontent de la répartition des têtes de liste et des candidats éligibles.

Dans quatre régions, EELV se présente avec tout ou partie du Front de gauche :

– Auvergne/Rhône-Alpes : le « Rassemblement citoyen écologique et solidaire », conduit par le binôme Jean-Charles Kohlhaas (EELV, tête de liste) et Corinne Morel Darleux (PG, porte-parole), agrège EELV, le PG, Ensemble, Nouvelle Donne, la Nouvelle Gauche socialiste (NGS) et des citoyens.

– Midi-Pyrénées/Languedoc-Roussillon : la liste conduite par Gérard Onesta (EELV) porte un « projet en commun » validé par EELV, le PG, Ensemble, la NGS, des citoyens et le PCF (sauf surprise).

– Nord-Pas-de-Calais/Picardie : Sandrine Rousseau conduit une liste EELV-PG-NGS ouverte aux citoyens.

– Provence-Alpes-Côte d’Azur : « La Région coopérative » emmenée par le binôme Sophie Camard (EELV, tête de liste) et Jean-Marc Coppola (PCF) rassemble EELV et le Front de gauche.

Dans les huit autres régions, EELV part seul : Alsace/Lorraine/Champagne-Ardennes (Sandrine Bélier) ; Aquitaine/Poitou-Charentes/Limousin (Françoise Coutant) ; Bourgogne/Franche-Comté (Cécile Prudhomme) ; Bretagne (René Louail) ; Centre-Val-de-Loire (Charles Fournier) ; Île-de-France (Emma Cosse) ; Normandie (Yanic Soubien) ; Pays-de-la-Loire (Sophie Bringuy).

Cette entente est un nouveau camouflet adressé au PS. « Il y aura donc bien une liste de gauche unie aux élections régionales en Paca, et cette liste, c’est la nôtre », ironisait à son endroit le communiste Gérard Piel, président du groupe Front de gauche au conseil régional de Paca. En riposte, le PS intronisait vendredi Christophe Madrolle, secrétaire général du Front démocrate et ancien secrétaire général adjoint du MoDem, comme tête de liste dans les Bouches-du-Rhône, au cours d’une conférence de presse, à Paris. Une intronisation en présence de Jean-Christophe Cambadélis et de Christophe Castaner, le député des Alpes-de-Haute-Provence, tête de liste en Paca, flanqués des « trois nains de la rose » : Jean-Luc Bennahmias, président du Front démocrate, France Gamerre, présidente d’honneur de Génération écologie, et Jean-Vincent Placé, coordinateur national de l’Union des démocrates et écologistes. L’accord en Paca est aussi un pied de nez à l’autorité d’Emmanuelle Cosse. Mi-septembre, la secrétaire nationale du parti écologiste avait déploré le choix très majoritaire (74,5 %) des militants d’EELV dans le Nord-Pas-de-Calais/Picardie de ne pas faire liste commune avec le PS mais de chercher les voies d’un rassemblement avec le Front de gauche pour « porter une politique alternative à celle menée au plan national ». « Les militants de cette région ont choisi, comme ils le font depuis 1986, d’aller au premier tour dans une liste écologiste, avec une tête de liste écologiste. Moi, personnellement, j’aurais préféré qu’on fasse autrement », avait-elle déclaré sur RTL, regrettant qu’il n’ait pas été possible d’inventer « une fabrique citoyenne avec tous les partis, pas les uns derrière les autres, pour répondre à  [la] menace réelle » du FN. Le choix des militants nordistes, jugé « suicidaire » par le député Denis Baupin, artisan de l’alliance de gouvernement avec le PS en 2012 et époux d’Emmanuelle Cosse, avait été suivi d’une importante vague de démissions dans plusieurs régions, aboutissant notamment à la création d’un groupe dissident de 16 élus (sur 51) en Île-de-France autour de Jean-Vincent Placé. Tête de liste dans cette région, où le conseil politique d’EELV a rejeté à 70 %, le 15 septembre, l’alliance avec le Front de gauche, la patronne du parti écologiste a réaffirmé lors de son meeting de lancement de campagne, le 23 septembre, sa volonté de voir les écologistes mener des listes autonomes au premier tour. Et renvoyé dos à dos ses « amis » de la « vieille gauche », refusant d’ « accrocher un wagonnet d’écologie à  [la] locomotive anti-européenne » de Jean-Luc Mélenchon, et rappelant à Jean-Christophe Cambadélis que « l’unité ne se construit ni à coups de canon ni à coups de manœuvres » .

Message reçu en Bretagne, où les militants ont rejeté à 70,8 % une alliance avec le Front de gauche malgré les discussions menées depuis plusieurs mois et des « avancées significatives » enregistrées. Ils ont approuvé en revanche à plus de 80 % un accord avec Bretagne écologie, une association créée à l’occasion des régionales de 2010 pour regrouper les élus et militants écologistes pro-PS en désaccord avec la ligne d’autonomie qui était déjà celle d’EELV – ils ont depuis tiré les leçons de cette expérience. « Les militants écolos sont des militants ombrageux, il y a des allées et venues », commente, amusé, David Cormand, le « monsieur élection » d’EELV. Si cette autonomie identitaire qui ne rassemble que des écologistes l’emporte dans huit régions, quatre autres l’envisagent autrement, avec des rassemblements mêlant la gauche sociale et la gauche écologiste, seuls susceptibles de rivaliser vraiment avec les listes PS. Avec plus ou moins de bonheur. Après Auvergne/Rhône-Alpes, où EELV est déjà en campagne avec les composantes du Front de gauche (sauf le PCF), Nouvelle Donne et la Nouvelle Gauche socialiste (NGS), après le Nord-Pas-de-Calais/Picardie, où EELV se présente avec le PG et la NGS), le PCF ayant refusé lundi de participer à une liste conduite par un binôme paritaire comme en Paca, l’accord est quasi scellé en Midi-Pyrénées/Limousin. L’écologiste Gérard Onesta doit y conduire une liste agrégeant EELV, toutes les formations du Front de gauche, la NGS et le Parti occitan autour d’un « projet citoyen » travaillé en commun depuis plusieurs mois. Les militants communistes doivent encore donner leur accord, cette fin de semaine, mais Marie-Pierre Vieu, leur cheffe de file, s’affiche confiante.

Pour aller plus loin…

Congrès PS : sauver ou dégager Olivier Faure ? Les socialistes à fond les manœuvres
Politique 22 novembre 2024 abonné·es

Congrès PS : sauver ou dégager Olivier Faure ? Les socialistes à fond les manœuvres

Les opposants au premier secrétaire du parti tentent de rassembler tous les sociaux-démocrates pour tenter de renverser Olivier Faure. Mais le patron des roses n’a pas dit son dernier mot. Au cœur des débats, le rapport aux insoumis. Une nouvelle fois.
Par Lucas Sarafian
2026 : un scrutin crucial pour les quartiers populaires
Quartiers 20 novembre 2024 abonné·es

2026 : un scrutin crucial pour les quartiers populaires

Assurés d’être centraux dans le logiciel insoumis, tout en assumant leur autonomie, de nombreux militant·es estiment que 2026 sera leur élection.
Par Hugo Boursier
« Les municipales sont vitales pour que La France insoumise perdure »
Élections municipales 20 novembre 2024 abonné·es

« Les municipales sont vitales pour que La France insoumise perdure »

L’historien Gilles Candar, spécialiste de la gauche et membre du conseil d’administration de la Fondation Jean-Jaurès, analyse l’institutionnalisation du mouvement mélenchoniste et expose le « dilemme » auquel seront confrontés ses membres aux élections de 2026 : l’union ou l’autonomie.
Par Lucas Sarafian
Municipales 2026 : LFI à la conquête des villes
Enquête 20 novembre 2024 abonné·es

Municipales 2026 : LFI à la conquête des villes

Le mouvement insoumis prépare son offensive pour remporter des mairies aux prochaines municipales. Des élections qui engagent un bras-de-fer avec les socialistes et légitimeraient la stratégie de Jean-Luc Mélenchon sur l’abstentionnisme et les quartiers populaires.
Par Lucas Sarafian