France-monde arabe : Une histoire partagée
Pour Jean-Pierre Filiu, les destins de la France et du monde arabe sont souvent mêlés.
dans l’hebdo N° 1369 Acheter ce numéro
Comme toutes les crises dans cette région, la guerre civile syrienne renvoie à l’histoire coloniale. Jean-Pierre Filiu nous en propose une analyse autant qu’un récit dans son nouvel ouvrage, les Arabes, leur destin et le nôtre. L’auteur y retrace deux siècles de relations entre les puissances occidentales et les pays arabes. Depuis l’expédition de Bonaparte en Égypte jusqu’à nos jours. À le lire, on mesure à quel point cette histoire est encore vivante dans la conscience arabe. Et en particulier la grande trahison commise par les puissances mandataires au lendemain de la Première Guerre mondiale, lorsque Britanniques et Français se sont partagé le Moyen-Orient au lieu de l’indépendance qui avait été promise à la veille de la révolte arabe contre l’empire ottoman. Cette « guerre pour les autres », comme la définit Filiu, conclue par une « paix sans les Arabes » à la conférence de San Remo en 1920, reste la grande blessure. On ne s’étonnera pas que Daech alimente aujourd’hui encore sa haine de l’Occident en se référant aux accords secrets Sykes-Picot qui scellaient le partage. C’était en avril 1916…
L’autre grande blessure, c’est évidemment la Déclaration Balfour de novembre 1917, qui promet au mouvement sioniste l’installation d’un foyer national juif en Palestine. Et puis il y a l’héritage de la violence. Filiu rappelle comment les puissances mandataires ont réprimé les soulèvements contre un ordre né d’une trahison. On connaît la grande révolte arabe de1936 en Palestine. On se souvient moins des dix mille morts de mai 1920 lorsqu’en Irak le jihad contre l’occupation a été réprimé par l’armée britannique. Au fil des événements, on observe que les résistances arabes ont toujours joué du double registre nationaliste et islamiste. Dans un dernier chapitre inscrit dans notre actualité, Filiu analyse les révolutions et les contre-révolutions arabes de ces dernières années. Quand, plus que jamais, dictateurs et jihadistes forment un duo indissociable. Mais l’historien fait le pari que les dictatures comme le totalitarisme de Daech finiront par céder. Encore faut-il que les populations qui les combattent, en Syrie et ailleurs, soient aidées. C’est aussi notre combat.