Les contradictions de Manuel Valls
Au sein du PS, le Premier ministre joue avec les polémiques sur les 35 heures, avant l’ouverture du chantier – sensible à gauche – de la réforme du droit du travail.
dans l’hebdo N° 1367 Acheter ce numéro
Manuel Valls a soufflé le chaud et le froid sur les 35 heures et le droit du travail lors du discours de clôture de l’université d’été du PS à La Rochelle. Le Premier ministre a évoqué la sortie polémique d’Emmanuel Macron sur le sujet – sous les sifflets – pour réaffirmer qu’il « n’est pas question de revenir sur la durée légale du temps de travail ». Adressé aux frondeurs du PS et à la gauche, après une série de tirs nourris contre le ministre de l’Économie, le message de celui qui, naguère, s’était prononcé en faveur d’un « déverrouillage des 35 heures » n’a pas convaincu. À La Rochelle, le Premier ministre a surtout jonglé avec les mots pour soutenir son ministre. « Le code du travail est si complexe qu’il est devenu inefficace », a expliqué Manuel Valls, qui répète ce mantra depuis le début de l’année pour justifier l’ouverture du chantier de la réforme du droit du travail.
Quelques jours plus tôt, le patron du Medef, Pierre Gattaz, avait adressé un ultimatum lors de l’université d’été patronale : « J’attends du gouvernement que d’ici à Noël on règle le problème. » Une position défendue par Emmanuel Macron et que le prochain ministre du Travail devra donc gérer dans l’urgence, sous l’injonction du Medef. Manuel Valls promet de « revoir en profondeur la manière même de concevoir notre réglementation » en matière de droit du travail, sans toucher à la durée hebdomadaire légale. Pierre Laurent, secrétaire national du PCF, a taclé ce discours ambigu : « Il ne faut pas bazarder le code du travail », a-t-il prévenu lundi. Car le gouvernement a montré dans le passé que réformer le code du travail ne va pas sans reculs sur les 35 heures. « S’il faut donner encore un peu plus de souplesse, pourquoi pas ? Il n’y a pas de tabou, du moment que les 35 heures restent la référence légale », avait lancé François Rebsamen, alors ministre du Travail, en novembre 2014. Le gouvernement avait adopté ce raisonnement pour introduire un assouplissement par accord d’entreprise ou par branche dans l’accord national interprofessionnel de 2013 sur la sécurisation de l’emploi. Celui-ci permet désormais à des entreprises de moduler le temps de travail pour préserver l’emploi, avec l’accord des syndicats.
Matignon avance donc à grands pas, profitant de la faiblesse des organisations syndicales et du mouvement social. En mettant en cause les 35 heures, Emmanuel Macron a enfoncé le clou : « La loi ne peut plus tout définir aujourd’hui », a-t-il déclaré, ajoutant que, « si nous voulons faire respirer notre économie en gardant la justice, nous devons conduire cette réflexion », menée depuis plusieurs mois à la demande de Manuel Valls. Celui-ci attend en septembre « des propositions ambitieuses » de la commission pilotée par l’ancien directeur du Travail Jean-Denis Combrexelle. Motif de la mission : réfléchir aux moyens d’ « élargir la place » de l’accord collectif d’entreprise ou de branche dans le droit du travail. Pierre Gattaz a salué cette « volonté de réformer », une priorité pour l’organisation patronale, qui milite, sur tous les sujets, pour des accords d’entreprise « prioritaires » sur la loi, ce qui a suscité l’opposition de la CGT et de FO. La commission Combrexelle n’est pas seule à plancher sur le sujet. Deux autres études paraîtront en septembre, apportant leur contribution à la réforme. L’une du libéral Institut Montaigne sur « l’avenir de la négociation sociale », et l’autre du groupe de réflexion Terra Nova, proche du PS, signée de l’économiste Gilbert Cette et de l’avocat Jacques Barthélémy. L’ardeur réformatrice de Manuel Valls a commencé en février, après que le Premier ministre a reçu le patronat et les syndicats pour lancer une première salve de réformes avec la loi sur le dialogue social et l’emploi, adoptée en juillet. En matière de dérogation à la durée légale hebdomadaire du temps de travail, la loi Macron a ensuite « assoupli » le champ d’application du travail le dimanche par le biais d’accords d’entreprise ou de branche.
Restent les milliers de pages du code du travail, qu’Emmanuel Macron se dit prêt à bousculer pour donner davantage de place à ce type d’accords gagnants pour les employeurs. Le sujet pourrait être au menu de la conférence sociale prévue les 19 et 20 octobre, quitte à ajouter FO et la CGT à la liste des organisations syndicales absentes de cette grand-messe.