L’ONU prône la restructuration de la dette
La bureaucratie onusienne adopte parfois des résolutions progressistes, qui inquiètent les pays dominants.
dans l’hebdo N° 1370 Acheter ce numéro
Le vote des Nations unies en faveur d’une restructuration des dettes publiques – une question cruciale pour la plupart des pays européens, dont la dette publique a explosé – est passé quasiment inaperçu en France. L’assemblée générale des Nations unies (ONU) a donné raison à Zoé Konstantopoulou, la présidente du Parlement grec, et à l’Argentine en adoptant le 10 septembre une résolution définissant les principes d’une restructuration des dettes nationales. Venue à New York le 2 septembre, Zoé Konstantopoulou avait appelé l’ONU à soutenir « l’exigence de démocratie et de souveraineté parlementaire contre la coercition de la dette ». De son côté, l’Argentine, confrontée aux « fonds vautours » depuis la restructuration de sa dette, est à l’initiative de la résolution avec le soutien du G77, coalition de 134 pays en développement.
Ce nouveau cadre légal, adopté par 136 voix pour, 6 contre (Allemagne, Canada, États-Unis, Israël, Japon et Royaume-Uni) et 41 abstentions (dont la France), est à contre-courant de la démarche des institutions européennes, qui ne laissent aucune alternative à l’austérité et à la mise sous tutelle des États. Certains y ont même vu un grand danger : le représentant des États-Unis s’est inquiété des incertitudes que la résolution pourrait faire peser sur les marchés financiers, et ceux de l’Union européenne, du Japon, de l’Australie et de la Norvège ont dit qu’ils ne pouvaient appuyer un cadre juridique multilatéral applicable aux opérations de restructuration de la dette souveraine. Le texte définit un ensemble de neuf principes fondamentaux, dont le premier indique que « tout État a le droit, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, d’élaborer sa politique macroéconomique, et notamment de restructurer sa dette souveraine », et franchit une étape importante dans la construction d’un droit international autour de la dette, ce qui n’est pas une première pour l’ONU. La Commission indépendante pour la vérité sur la dette publique en Grèce, créée par Zoé Konstantopoulou, a rappelé que l’audit de la dette est une obligation en droit international, suite à l’adoption en 2012 par le Conseil des droits de l’homme de principes directeurs des Nations unies relatifs à la dette extérieure et aux droits de l’homme.
Les États doivent ainsi conduire régulièrement des audits de leur dette publique, en vue d’assurer la transparence et la redevabilité de la gestion de leurs ressources et d’éclairer les décisions d’emprunt à venir. Ils pourront dorénavant se pencher sur sa restructuration. Une opération délicate en France, qui exigerait la mise en place d’une commission indépendante chargée d’examiner la dette publique avec une autre méthodologie que celle utilisée par la Cour des comptes, qui est sous la contrainte des traités européens tel que le pacte budgétaire européen (TSCG).