ONU : « Si on dit le droit, il faut qu’il y ait des sanctions »
Yves Aubin de la Messuzière commente la récente initiative française à l’ONU, relative au conflit israélo-palestinien.
dans l’hebdo N° 1370 Acheter ce numéro
Combien de résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU sont restées lettres mortes, balayées par les dirigeants israéliens ? Et une bonne trentaine se sont heurtées au veto des États-Unis depuis 1973. Le conflit israélo-palestinien illustre l’impuissance de l’ONU. La France, pourtant, relance une initiative dans ce cadre. En avant-première d’un colloque au Sénat, Yves Aubin de La Messuzière, ancien ambassadeur, et grand connaisseur de ce dossier, évoque la démarche française et ne cache pas un certain pessimisme [^2].
Le conflit israélo-palestinien est aujourd’hui éclipsé dans l’actualité par la tragédie syrienne. Est-il devenu un conflit secondaire ?
On parle d’une nouvelle initiative française devant l’Assemblée générale de l’ONU. Peut-on encore croire à ce genre de démarche ?
Il faut reconnaître que François Hollande n’a pas une grande appétence pour ce dossier. Lors de la première conférence des ambassadeurs, il a tenu des propos qui ont 30 ou 40 ans de retard. Pas un mot sur l’État palestinien. Seule compte la sécurité d’Israël. Alors que la France a toujours été précurseur dans ce dossier, on le voyait très en retrait, sans doute sous l’influence de son entourage. Quand il est allé devant la Knesset en novembre 2013, on a même pu craindre qu’il soit en deçà de Nicolas Sarkozy. Il a finalement lui aussi évoqué Jérusalem capitale de deux États et l’État palestinien. Mais le premier élan n’était pas celui-là. L’initiative de résolution devant le conseil de sécurité des Nations unies est menée sous l’impulsion de Laurent Fabius. L’idée est qu’il faut changer de méthode et élargir le nombre de partenaires, en intégrant notamment des pays arabes. Mais Israël exerce des pressions. Israël ne veut pas d’initiatives en général, et surtout pas dans le cadre de l’ONU. On a espéré – en raison du malaise qui existe entre les deux pays – que les États-Unis ne s’y opposeraient pas, mais ça ne semble pas être le cas. D’autant plus que nous sommes maintenant à proximité de l’élection présidentielle. Des consultations sont en cours pour que la résolution obtienne au moins une majorité au Conseil de sécurité, quitte à se heurter ensuite au veto. Mais on peut se demander si, devant la perspective de veto américain, il existe toujours une volonté française. Laurent Fabius a indiqué que, si l’avancée ne se faisait pas devant le Conseil de sécurité, la France prendrait ses responsabilités et reconnaîtrait l’État palestinien. On va donc pouvoir juger de la détermination française. Mais on se souvient de l’hésitation au moment de la reconnaissance de la Palestine comme État non-membre. Or, si la France a un effet d’entraînement sur les autres pays européens sur ce dossier, l’effet peut aussi être négatif. Une chose tout de même : la France a récemment déconseillé aux entreprises françaises d’investir dans les Territoires occupés. Cela n’est pas passé inaperçu en Israël. Le boycott inquiète beaucoup les dirigeants israéliens. Mais, sur ce dossier, on attend de la France qu’elle dise le droit. Et si on dit le droit, il faut qu’il y ait des sanctions.
[^2]: Colloque, le 2 octobre au Sénat, sur le thème « La France a-t-elle encore une politique au Moyen-Orient ? », à l’initiative de l’iRReMMO et de la revue Orient XXI. Informations et inscriptions sur les sites iremmo.org et orientxxi.info.