Podemos : Pablo Iglesias en campagne à Paris
podemos Présent dans la capitale les 5 et 6 septembre, le leader de la gauche espagnole a rappelé ses positions devant les Espagnols de France.
dans l’hebdo N° 1368 Acheter ce numéro
Le système médiatique a ses exigences. Difficile d’y résister. Depuis sa création, Podemos cherche à éviter les phénomènes de starisation et de leadership. Avec des méthodes de discussion qui bannissent les tribunes où les dirigeants font face aux adhérents. D’où l’idée de créer et de faire débattre des circulos, des cercles locaux, où la parole doit tourner de la façon la plus démocratique et égalitaire possible. En pleine campagne des législatives espagnoles, prévues le 20 décembre prochain, Podemos a réuni, samedi dernier, un circulo parisien, à huis clos, réservé à ses électeurs potentiels (voir ci-contre), Espagnols installés à Paris et, plus largement, en France. Sans journalistes. Or, avec la venue de Pablo Iglesias, tous les correspondants de presse écrite, télévisions et radios, surtout espagnoles, n’attendaient que le très charismatique leader de la jeune formation politique, actuellement en baisse dans les sondages…
Sur 47 millions d’Espagnols, plus de 2 millions vivent à l’étranger, dont environ 250 000 en France, en nette hausse depuis la crise de 2008. Si voter de l’étranger a toujours été compliqué, c’est devenu un vrai parcours du combattant depuis une réforme impulsée par le PSOE et le PP en 2010. Inscription au consulat, demande par lettre recommandée avec accusé de réception d’un formulaire de vote, attente des documents (parvenant souvent trop tard) et délais extrêmement courts pour voter effectivement : l’exercice du suffrage est, en pratique, fortement entravé. Plus de 85 % des résidents à l’étranger n’ont ainsi pas voté depuis 2011. D’où la campagne emmenée par Pablo Iglesias auprès de ces (nouveaux) émigrés, dont, selon lui, « la plupart sont de jeunes travailleurs et/ou intellectuels qui voteraient massivement pour Podemos »…
Mais cette tribune a surtout été l’occasion pour Pablo Iglesias de rappeler les points fondamentaux du programme de Podemos dans cette campagne pour l’élection des députés aux Cortes, le Parlement espagnol. En s’adressant d’abord aux Espagnols récemment installés en France à cause de la crise économique, souvent des jeunes, diplômés ou précaires, pour beaucoup sympathisants de Podemos. Il a ainsi pointé les politiques austéritaires du PSOE et du PP, qui ont ruiné le peuple espagnol en « gouvernant uniquement pour les privilégiés » et « ont empêché les jeunes Espagnols de vivre chez eux, les contraignant à l’exil. C’est pourquoi nous allons faire en sorte que Rajoy quitte le pouvoir et que, vous, jeunes Espagnols de Paris et d’ailleurs, puissiez rentrer vivre et vous exprimer chez vous ».
Interrogé, deux jours plus tard, lors d’une conférence de presse à l’Ecole d’économie de Paris en présence de l’économiste Thomas Piketty, sur les difficultés que Podemos risquerait de rencontrer, une fois au pouvoir, face à l’Europe, Pablo Iglesias a interpelé François Hollande et Matteo Renzi « qui auraient pu et dû aider la Grèce : ce qu’a subi Alexis Tsipras nous montre qu’il nous faudra construire une stratégie européenne, car un seul petit pays ne peut pas espérer modifier la logique libérale qui domine l’Union européenne ». Or, un changement politique en Espagne pourrait, selon lui, permettre de rechercher de nouvelles alliances, entre différents pays, mais aussi entre les sociétés civiles et les mouvements qui les traversent. « Nous voulons croire qu’en bouleversant les équilibres politiques au sein de l’Union européenne et de la zone euro, nous pourrons, à terme, nous rapprocher d’autres gouvernements pour un nouveau projet européen, combinant prospérité et solidarité, ce qui était d’ailleurs le projet initial de l’Union. » Quels gouvernements ? « Ceux de la France et de l’Italie, en premier lieu » … Une conviction qui peut être accueillie avec un certain scepticisme, mais que Pablo Iglesias a contré en rappelant que l’Espagne, à la différence de la Grèce, est la quatrième économie de l’UE, dont le PIB représente près de 11 % de celui de toute l’Europe.
Enfin, il a récusé une sortie éventuelle de l’euro en cas d’échec et s’est dit convaincu qu’Alexis Tsipras, contraint à un accord douloureux, a toutefois « fait preuve de responsabilité en évitant à son peuple les grandes souffrances qu’auraient entraînées la sortie de l’euro ». Et de réaffirmer sa solidarité et son soutien au Premier ministre grec : « On peut bien sûr créer un groupe parlementaire qui répète que le capitalisme est un système abject – ce que je partage. Mais gouverner, c’est affronter le réel et c’est bien plus difficile : il s’agit d’agir pour le bien des gens. C’est ce qu’essaie de faire Alexis, non sans mal. Et je crois que les Grecs préféraient rester dans l’euro… » Une position qui n’est pas, pour l’heure, sans soulever nombre de questions.