Chômage : Des négociations entachées d’illégalité
L’annulation de la convention d’assurance chômage par le Conseil d’État conforte les associations et syndicats auteurs du recours.
dans l’hebdo N° 1372 Acheter ce numéro
La décision du Conseil d’État d’annuler le 5 octobre la convention d’assurance chômage, signée en 2014 par le patronat et trois syndicats (CFDT, FO et CFTC), en dit long sur l’état de la négociation sociale et sur l’attitude du gouvernement. Ce dernier avait validé dans un arrêté ministériel de 2014 des mesures adoptées par les partenaires sociaux « malgré nos mises en garde, nos alertes argumentées et répétées », ont souligné l’AIP-Coordination des intermittents et précaires, le collectif Les Matermittentes (LCLM), SUD-Culture Solidaires, Recours radiation, tous auteurs du recours au Conseil d’État avec la CGT. C’est la première fois qu’une convention est annulée dans sa totalité et sur le fond. Par son rejet, le Conseil d’État marque « un coup d’arrêt sur des pratiques illégales, qui découlent de l’incompétence des partenaires sociaux signataires, pourtant agréées par le gouvernement », ont ajouté associations et syndicats à l’initiative du recours. Dans un bref communiqué, Myriam El Khomri, ministre du Travail, n’a pas commenté les conséquences des pratiques douteuses mettant en cause des droits à l’assurance chômage. « Seules certaines modalités techniques doivent être modifiées », s’est contentée d’écrire la ministre, omettant les milliers de chômeurs concernés notamment par le différé d’indemnisation, jugé « illégal », car portant « atteinte au droit à réparation du salarié ». Le Medef et les trois syndicats signataires avaient fixé ce différé à six mois pour les salariés ayant perçu une indemnité de départ supérieure à ce que prévoit le code du travail, ainsi que pour ceux ayant été licenciés sans cause réelle et sérieuse.
La haute juridiction administrative a aussi estimé que les allocataires à qui des trop-perçus sont réclamés par Pôle emploi doivent pouvoir épuiser tous les recours avant d’être ponctionnés. « Rappelons que des centaines de milliers de personnes sont dans ce cas, sans oublier que le suicide de Djamel Chaar était survenu pour cette raison » [^2], poursuit la CGT. En outre, le Conseil d’État a estimé que la définition des sanctions à l’égard des demandeurs d’emploi ne relève pas de la compétence des signataires de la convention d’assurance chômage, mais de l’État. Concrètement, le jugement signifie que les chômeurs « qui auraient eu des retenues pour des indus ou trop-perçus peuvent se saisir de la décision du Conseil d’État pour obtenir réparation. Ces sommes prélevées illégalement doivent être contestées », expliquent les auteurs du recours.
La CGT regrette pour sa part que l’ensemble de ses demandes n’ait pas été suivi dans le jugement : « Ainsi le rapporteur public avait évoqué, lors de l’audience du 14 septembre, les doutes sur la loyauté des négociations, mais préféré attendre les résultats de notre recours en Cour de cassation, non suspensif, plutôt que de provoquer “une distorsion de jurisprudence” avec la cour d’appel de Paris. » La loyauté des négociations a été mise en cause par la CGT, elle est révélatrice des méthodes de la négociation collective sur laquelle le gouvernement n’a pas dit un mot. Le Conseil a cependant balayé ce litige et imposé aux partenaires sociaux de négocier une nouvelle convention avant le 1er mars 2016. Le Medef considère de son côté que l’actuelle convention est insuffisante pour combler les déficits de l’assurance chômage et souhaite que les partenaires sociaux reviennent au plus vite autour de la table pour revoir le système d’allocations. Ces négociations promettent d’être explosives.
[^2]: Il s’était immolé devant une agence Pôle emploi à Nantes, en février 2013.