Israël et la Palestine au bord du gouffre
TRIBUNE. L’Europe doit enfin prendre ses responsabilités, estime le président de l’Association France Palestine solidarité, Taoufiq Tahani.
dans l’hebdo N° 1372 Acheter ce numéro
La politique de Benyamin Netanyahou a un mérite : elle produit des résultats. Au fil des semaines, les colonies s’agrandissent, ancrant toujours davantage dans le paysage la marque de la domination d’un peuple sur un autre. Rien à négocier, et Tzipi Hotovely, la vice-ministre des Affaires étrangères, l’a dit tranquillement sur le ton de l’évidence : « Le monde doit réaliser que la Judée-Samarie restera sous la souveraineté de facto d’Israël. Ceci n’est pas une monnaie d’échange et ne dépend pas de la bonne volonté des Palestiniens. C’est la terre de nos ancêtres. »
Et voilà que de nouveaux résultats nous arrivent, eux aussi malheureusement annoncés. Après l’autorisation donnée à l’armée israélienne de tirer à balles réelles, une série de meurtres a été commise contre de jeunes Palestiniens, sans sommations ni explications. Il y a obligation de résultat : briser la résistance d’un peuple en multipliant les punitions collectives, avec toujours cette même devise : « Ce qu’on ne peut obtenir par la force, on peut l’obtenir par plus de force. » Sauf qu’arrive le retour de bâton. Jeudi, un couple de colons, dont le mari est officier de réserve dans l’armée israélienne, a été tué à la kalachnikov près de Ramallah (leurs quatre enfants ont heureusement été épargnés). À leurs obsèques, le président d’Israël, Reuven Rivlin, qui a la réputation d’être un « colon libéral », déclare à la famille : « Je vous ai répondu. Je vous ai dit que cette terre est à nous dans sa totalité, et sous notre souveraineté, il est de notre responsabilité d’assurer sa sécurité et celle de nos citoyens. »
Dans la nuit de samedi à dimanche, ce sont deux autres Israéliens qui sont tués et deux blessés au couteau dans deux attaques à Jérusalem. Les auteurs supposés sont abattus par la police. Au petit matin, le jeune Fadi Elwan, du quartier Issawaya, est abattu par les soldats auxquels il allait demander protection pour échapper aux colons qui le pourchassaient. Version contestée ? Il suffit à la police de communiquer, comme le demande la famille de la victime, les enregistrements des nombreuses caméras disposées dans le quartier. Dans toute la Cisjordanie, les jeunes poussés à bout retrouvent les gestes de l’Intifada des pierres d’il y a vingt-huit ans. Ils estiment n’avoir rien à perdre. Qui oserait leur donner tort ? On attend la suite. Depuis le début des fêtes juives, c’est au nom de la « liberté de culte » évoquée par Mme Hotovely à l’ONU que les provocations s’ajoutent aux provocations pour en finir avec le statu quo qui garantit le culte dans la mosquée Al-Aqsa, sous responsabilité jordanienne. Tout est prêt pour l’explosion. Tout semble prêt pour qu’elle revête une dimension religieuse. Qui peut dire ce que sera alors l’onde de choc dans le monde musulman ?
Voilà où nous ont menés des années de tergiversations et de complaisance face à une politique israélienne qui n’a d’autre but que de rendre impossible la solution à deux États. Cette fois, la France et les pays européens doivent choisir. Ils ne peuvent plus dire qu’ils sont pour la solution à deux États tout en continuant à n’en reconnaître qu’un, dont les dirigeants répètent qu’ils font et feront tout pour qu’il n’y ait pas d’État palestinien. C’est maintenant et d’urgence qu’il faut oser reconnaître l’État de Palestine et enfin prendre des sanctions contre les saboteurs de la paix. Si vous ne faites rien, Mesdames et Messieurs les dirigeant européens, vous serez coresponsables de la catastrophe vers laquelle nous poussent les apprentis sorciers de Tel-Aviv.
Des contributions pour alimenter le débat, au sein de la gauche ou plus largement, et pour donner de l’écho à des mobilisations. Ces textes ne reflètent pas nécessairement la position de la rédaction.
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