La patate chaude aux politiques
Dernière grande réunion avant la COP 21, la conférence de Bonn n’a que très peu progressé, laissant l’essentiel du travail aux chefs d’État.
dans l’hebdo N° 1375 Acheter ce numéro
Vaut-il mieux négocier sur un texte court, lisible mais partial, ou bien se coltiner un fatras à rallonge dans lequel la plupart des pays retrouvent leurs points de vue ? La conférence de Bonn, en Allemagne, dernière grande réunion préparatoire au sommet de Paris sur le climat (COP 21) de décembre prochain, a accouché du fatras, et ça n’a pas réjoui Laurence Tubiana, négociatrice française en chef : « Ce n’est pas exactement ce que j’avais espéré pour le début de la conférence de Paris… »
À Bonn, les délégations avaient pour mandat d’aboutir au texte de travail le plus resserré possible, afin de permettre aux ministres, qui vont prendre le relais, de progresser vers un accord global de lutte contre le dérèglement. Résultat : le brouillon de départ est passé de 20 à 55 pages en l’espace d’une semaine. Si cette enflure éloigne la perspective d’un accord ambitieux, elle a un sens politique : les ajouts sont la conséquence de la colère des pays du Sud, qui ont constaté au début de la réunion que leurs principaux centres d’intérêt avaient été escamotés. Ainsi, ce brouillon, brocardé comme le « texte américain » pour sa teneur très « pro-occidentale », se félicitait des engagements de réduction de gaz à effet de serre pris par les pays [^2] en vue de la COP 21. Alors que la somme des efforts conduit la planète vers 3 °C d’augmentation des températures, quand les scientifiques avertissent qu’il ne faudrait pas dépasser 2 °C (voire 1,5 °C) pour éviter de basculer dans un inconnu climatique dont les pays du Sud feront les frais les premiers. Ces derniers sont donc parvenus à peser pour que soit explicitement réintégrées au menu des négociations de Paris des priorités aussi cardinales pour eux que le financement de l’adaptation aux impacts du dérèglement (que le Nord s’est engagé à abonder à hauteur de 100 milliards de dollars par an d’ici à 2020), ainsi que la prise en charge des dommages déjà provoqués.
Cette manière de rééquilibrage est la seule bonne nouvelle livrée par Bonn, en lieu et place des convergences attendues. « Nous avons aujourd’hui les bases textuelles pour qu’un accord ambitieux et équitable soit signé à Paris, mais nous manquons pour l’instant clairement de volonté politique pour y arriver », commente Romain Benicchio, porte-parole pour Oxfam France. Un optimisme diplomatique pour reconnaître, avec la plupart des observateurs, que la balle est une fois de plus renvoyée avec force au plus haut niveau des gouvernements, lesquels n’ont plus que cinq semaines pour sortir l’hypothétique grand jeu.
[^2]: Environ 150 sur 196 à ce jour.