Quand une commission d’enquête citoyenne rend justice à Rémi Fraisse
Palliant la défection grossière de L’État, une Commission d’enquête citoyenne Sivens (CECS), créée à l’initiative de la Ligue des droits de l’homme (LDH), a remis le 23 octobre son rapport sur la mort de Rémi Fraisse.
Tandis que la justice officielle confiait l’enquête officielle à la Gendarmerie, directement mis en cause dans la tragédie et qui ne cesse de multiplier les obstructions en attendant le rituel non-lieu ponctuant habituellement ce genre d’affaires, les membres de la CECS interrogeaient trente-quatre témoins, recoupaient nombre d’articles de presse et de vidéos, et parvenaient à rendre leurs conclusions un an après la mort du jeune homme.
Des conclusions accablantes
Ces conclusions sont tout bonnement accablantes pour tous les services de l’Administration impliqués dans la tragédie de Sivens. Qu’on en juge :
-* Un projet de barrage lancé aux forceps et qui ne pouvait qu’aboutir à un choc frontal : « procédures bâclées, conflits d’intérêts, démission de l’État et des responsables politiques, recours judiciaires si longs qu’ils en deviennent sans efficacité ».
-* Une surévaluation grossière du nombre de casseurs et des dommages causés aux forces de l’ordre : « Force est de constater que, hors les déclarations des gendarmes et de responsables des autorités locales ou nationales, bien peu de choses attestent de la réalité des blessures infligées aux forces de l’ordre à Sivens. »
-* Une répression hors de propos : « Insultes, humiliations, destruction de biens personnels, complicité avec les milices locales (…) la survenance d’un drame et la mort d’un homme étaient dans la logique du dispositif mis en place. »
-* Les conditions du décès travesties par les autorités : « Très rapidement, les autorités s’efforcent de jeter le doute sur les conditions du décès, tant en imputant aux opposants l’essentiel de la violence qu’en diffusant de fausses informations. »
Lire le rapport du CECS{: class= »spip-document text-center »}
Des ruptures citoyennes indispensables
Inutile de préciser qu’on ne trouvera dans ce rapport nulle trace de participation des autorités tant nationale que locale à cette enquête citoyenne. Ni le président du Conseil régional du Tarn, ni le préfet, ni les autorités politiques ou policières n’ont daigné répondre aux sollicitations de la CECS. Inutile non plus d’attendre d’en découvrir les conclusions dans des médias exclusivement consacrés à la propagande mainstream.
Et c’est bien ce qui rend particulièrement indispensable, non seulement des initiatives comme celle de la LDH, mais encore plus leur multiplication, seule à même d’en renforcer l’impact via les médias indépendants et les réseaux sociaux.
À défaut d’être en capacité de s’emparer des rênes de l’État ou de pouvoir influer sur son fonctionnement, il est vain, en cette période chaotique de transition, de s’en remettre au choix électif de majorités désemparées, au jeu pipé d’une démocratie cadenassée, bafouée par des autorités sans foi ni loi, pour espérer une justice vraiment indépendante et impartiale.
Seules des minorités citoyennes agissantes sont désormais en mesure de susciter et de multiplier des initiatives de rupture résolue pour poser les fondations d’un monde d’après un tant soit peu convivial .
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