Ceux qui font le monde d’après : les « couchsurfers » optent pour la convivialité… gratuite !
Casser les structures de fonctionnement d’une société et vous pouvez être sûr que d’autres naîtront en marge pour suppléer les défaillantes. Ainsi du couchsurfing, ce phénomène qui permet aux jeunes (et aux moins jeunes) de voyager en se logeant gratos les uns chez les autres. En toute convivialité.
Le couchsurfing, en gros « passer d’un canapé à l’autre », est un système en ligne permettant de se faire héberger temporairement chez des hôtes de passage un peu partout dans le monde, sans débourser un sou, via un site internet dédié (d’où l’emploi allusif du terme « surfing »).
Un phénomène de société… alternative
L’idée est née sur le terrain en 1999. Un certain Casey Fenton, étudiant américain fauché, contacta par mail des étudiants de l’université de Reykjavik pour être hébergé à l’œil pendant son séjour en Islande. Le nombre de réponses positives reçues dépassa tellement ses attentes que cinq ans après, il fondait le site Couchsurfing avec trois potes à lui, et avec l’intention bien ancrée d’en faire profiter ses congénères.
Depuis, le succès de la formule ne se dément pas au point de passer pour un véritable phénomène de société (alternative), au même titre que le covoiturage, le crowdfunding (en français, « financement participatif ») ou le recyclage des produits d’occasion via leboncoin.fr et ces innombrables foires-à-tout dont le chiffre d’affaires brassées, s’il était révélé, ferait sans doute pâlir d’envie bon nombre de sociétés commerciales ayant pignon sur rue.
Aujourd’hui, le site Couchsurfing revendique pour sa part chaque année plus de 400 000 hôtes (particuliers proposant leurs « canapés ») et 4 millions de surfers (particuliers cherchant à en profiter).
« Participer à la création d’un monde meilleur, canapé après canapé »
Mais le couchsurfing ne se limite pas à proposer un système D commode contre la crise et la précarité des voyageurs d’aujourd’hui. Il se veut aussi une philosophie de vie visant à la « la création d’un monde meilleur, canapé après canapé » :
« Nous envisageons un monde où chacun peut explorer et créer des liens significatifs avec les gens et les endroits qu’il rencontre. Construire des liens significatifs entre les cultures nous permet d’envisager la diversité avec curiosité, estime et respect. »
Et de fait, le phénomène ne concerne pas seulement les voyages au long cours, mais aussi des relations de proximité au niveau des centres urbains. C’est via le site Couchsurfing que s’organisent des rencontres de citadins que rien d’autre n’aurait sans doute permis de mettre en relation. Chaque année plus de 100 000 « événements » offrent ainsi à la collectivité l’occasion de se rencontrer, aux nouveaux venus de se faire des contacts selon affinités.
Un véritable service social
Le incontournables pisse-vinaigre feront remarquer que le site Couchsurfing est passé du statut d’association à but non lucratif à celui de société commerciale (depuis août 2011).
D’autres, comme Charles-Antoine Schwerer, économiste au cabinet de conseil Asterès, voient même dans cette nouvelle « économie du partage » « une continuité historique du capitalisme » avec à la clé une volatilisation des normes et des obligations sociales !
Outre qu’il est étonnant qu’un cadre d’une société capitaliste privée comme Asterès manifeste soudain des préoccupations éthiques en matière de droit du travail, on fera remarquer à nos critiques que ce n’est pas l’activité commerciale proprement dite qui est condamnable, mais ses dérives frauduleuses.
Les jeunes, eux, n’ont strictement rien à faire de ces considérations. Comme souvent, ils construisent leur monde à leur façon, à l’écart sinon à l’insu des générations vieillissantes, et ont de plus en plus massivement recours à ces pratiques économiques d’un nouveau genre . Pour l’heure, nulle autre contrainte pour eux que celle que chacun s’impose et c’est bien un véritable service social que leur offre un site comme Couchsurfing.
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