COP 21 : la société civile exclue ?

Sécurité oblige, le gouvernement veut réduire le sommet de Paris à la négociation de l’accord climatique. La mobilisation citoyenne pourrait en pâtir lourdement.

Patrick Piro  • 18 novembre 2015 abonné·es
COP 21 : la société civile exclue ?
© Photo : DE SAKUTIN/AFP

«É videmment », la COP 21 se tiendra bien « comme prévu ». Dès la première réunion ministérielle ayant suivi les attentats, vendredi soir, la question du maintien du sommet climat de Paris était posée par la présence même de Ségolène Royal autour de la table. Et le débat est rapidement apparu de pure forme : si l’on reporte la réunion, « c’est le terrorisme qui gagne », affirmait la ministre de l’Écologie.

Mais, au-delà de cet argument, le gouvernement a d’excellentes raisons de maintenir la COP 21 à la date prévue, du 30 novembre au 11 décembre. « Nous devons continuer à influencer le monde, disait François Hollande lundi face au Congrès. C’est pourquoi le grand événement international de la conférence sur le climat non seulement sera maintenu, mais sera un moment d’espérance et de solidarité. » Le président de la République, discrédité sur les terrains économique et social, compte sur ce rendez-vous majeur pour redorer un peu son mandat. Depuis des mois, il se démène dans le monde pour qu’un accord climatique global voit le jour à Paris. Près de 120 chefs d’État et de gouvernement ont annoncé leur présence, dont Barack Obama et Xi Jinping – les États-Unis et la Chine sont les deux principaux protagonistes de la négociation. Et s’il n’est pas question de commuer la COP 21 en une « conférence sur le terrorisme », comme le propose le député François Fillon (LR), l’impact planétaire des attentats pourrait inciter les pays à plus de coopération. Au cœur de la crise migratoire européenne, François Hollande évoquait les millions de réfugiés à venir en cas d’échec de la COP 21. Il pourrait de même insister sur les liens établis entre les désordres climatiques et l’implantation des groupes terroristes Daech en Syrie ou Boko Haram au nord-est du Nigeria. Contrepartie du pari de la fermeté : le gouvernement impose désormais la sécurité comme un déterminant hégémonique de l’organisation. Le Bourget (93), qui accueillera les chefs d’État et près de 40 000 personnes accréditées, concentrera la mobilisation des forces de l’ordre. Aussi, dès lundi, le Premier ministre annonçait que le format du sommet serait réduit à la simple négociation de l’accord climatique.

Conséquence, la plupart des manifestations festives sont annulées, et des dizaines d’événements périphériques se trouvent menacés, selon leur niveau d’exposition au risque. Il sera cependant difficile de faire passer à la trappe la conférence internationale de la jeunesse de Villepinte, où sont attendus 5 000 jeunes du monde entier du 26 au 28 novembre, ou le Sommet des élus locaux, qui doit accueillir un millier de maires à l’hôtel de ville de Paris le 4 décembre. Le vrai casse-tête, ce sont les manifestations organisées par la société civile, qui n’a jamais été aussi mobilisée sur le climat qu’en cette occasion : les marches du 28 et surtout du 29 novembre à Paris, le village mondial des alternatives (Alternatiba) les 5 et 6 décembre dans les rues de Montreuil (93), la Zone d’action de la Coalition climat 21 du 7 au 11 décembre au Centquatre à Paris et, surtout, la marche citoyenne attendue à Paris le 12 décembre.

Conscient d’avancer en terrain miné, Manuel Valls interrogeait prudemment, lundi, les « conditions d’organisation ». Dès samedi, plusieurs associations citoyennes rejetaient ses arguments sécuritaires, dénonçant l’instrumentalisation d’un supposé « état de guerre » pour brider l’expression de la société civile. « Nous refusons par avance toute restriction au droit de manifester et de lutter contre ce monde pourrissant, pour les alternatives que portent ensemble les peuples du Sud et du Nord », écrivait Attac. Renoncer « à tout faire pour gagner la bataille du climat », prévient Alternatiba, prépare « le théâtre d’une guerre permanente, d’une barbarie aux dimensions mille fois supérieures à celle que nous subissons aujourd’hui ». « Tout en poursuivant le dialogue avec le gouvernement et les préfets, nous maintenons l’ensemble des événements prévus, indiquait lundi Juliette Rousseau, porte-parole de la Coalition climat 21. Si COP 21 il doit y avoir, elle ne saurait se tenir sans la pleine mobilisation de la société civile. »

Écologie
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