Le grand brouillage climatique

Le changement climatique n’est pas négociable.

Geneviève Azam  • 4 novembre 2015 abonné·es

Depuis l’échec des négociations sur le climat à Copenhague, un seul objectif constituait la base des négociations : maintenir la hausse de la température globale de la Terre en dessous de 2 °C en 2100. Objectif désormais déconstruit. Les Nations unies ont publié le 30 octobre les résultats agrégés de 146 contributions nationales de réduction des émissions de gaz à effet de serre dans la perspective de la COP 21 ^2. Ces déclarations « volontaires », à la base de l’accord de Paris, conduiront à des émissions en équivalent CO2 de 55,5 gigatonnes (Gt, milliards de tonnes) en 2025, et de 56,7 Gt en 2030. Or, un rapport du Programme des Nations unies pour l’environnement (Pnue) de 2014 [^3], construit à partir des données du cinquième rapport du Giec, conclut que, pour avoir une chance de rester en dessous des 2 °C, les émissions devaient se situer dans une fourchette de 40 à 48 Gt pour 2025, de 30 à 44 Gt en 2030, et de 18 à 25 Gt en 2050. Avec près de 60 Gt en 2030, nous sommes sur la route des 3 °C et plus. Voilà pourquoi commence à se faire entendre une musique remettant en cause cet objectif des 2 °C, ou le minorant.

Il est vrai que ce chiffre est conventionnel. Un rapport technique de la Convention des Nations unies sur le changement climatique de juin 2015 indique d’ailleurs que les 2 °C d’augmentation ne doivent pas être vus comme un objectif, mais comme une « ligne de défense » dont nous devons nous tenir éloignés le plus possible. Mais éloignés à la baisse ! Ce rapport, en effet, montre qu’un réchauffement de 2 °C est trop important, notamment pour que nombre d’espèces puissent s’adapter et aussi pour l’agriculture. Il souligne la possibilité d’événements non linéaires pour un réchauffement entre 1,5 °C et 2 °C, comme la déglaciation possible de parties du Groenland et de l’Antarctique. Selon le Giec, rester en dessous des 2 °C suppose une diminution des émissions de 40 % à 70 % d’ici à 2050, rester en dessous des 1,5 °C suppose des réductions de 80 % à 90 %.

S’il ne s’agit en rien de fétichiser les chiffres, certains d’entre eux expriment cependant des limites qui ne peuvent être négociées. Il ne s’agit plus là de diplomatie, car le changement climatique n’est pas négociable. Il en est ainsi du budget carbone, qui mesure les quantités globales de CO2 que nous pouvons encore émettre pour freiner le réchauffement et le contenir, pour éviter des effets de seuil sur lesquels nous n’avons aucune possibilité d’agir. La diplomatie devrait seulement s’exercer pour décider de l’attribution des parts de budget respectives pour chaque pays et chaque groupe de pays, en fonction de leur contribution historique à la concentration des gaz à effet de serre dans l’atmosphère, de leurs émissions présentes, de leur vulnérabilité. Nous éviterions ainsi les déclarations de diplomates et de responsables politiques accommodant les données scientifiques actuelles aux nécessités d’annoncer un accord qui « va dans le bon sens ». Alors que le simple examen des résultats le contredit totalement. L’opacité des négociations entre les États et le mépris pour des ONG confinées dans les couloirs sont dérisoires face à des réalités dont la connaissance est accessible et de plus en plus partagée.

[^3]: The Emissions Gap Report 2014_ a UNEP synthesis report-November 2014EGR2014Lowres.pdf

Chaque semaine, nous donnons la parole à des économistes hétérodoxes dont nous partageons les constats… et les combats. Parce que, croyez-le ou non, d’autres politiques économiques sont possibles.

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