Syrie : Amorce de dialogue
Après la conférence de Vienne, plusieurs événements sont venus interférer dans la crise. Jusqu’au crash d’un avion russe dans le Sinaï.
dans l’hebdo N° 1376 Acheter ce numéro
La crise syrienne est loin d’être dénouée. Néanmoins, plusieurs faits sont intervenus au cours des dernières semaines qui risquent de faire bouger les lignes. « Nous sommes tombés d’accord pour constater que nous ne sommes pas d’accord », a lancé John Kerry à l’issue de la conférence de Vienne. La boutade n’est pas totalement dépourvue de sens. La présence de l’Iran et de l’Arabie saoudite autour de la table marque déjà un notable progrès. D’autant qu’un nouveau rendez-vous a été pris pour dans deux semaines.
Le point de blocage reste évidemment le sort de Bachar Al-Assad. Alors que se tenait la conférence, le 30 octobre, le dictateur syrien a encore fait bombarder la population civile, causant la mort d’au moins 91 personnes sur le marché de Douma, à l’est de Damas. En fait, la question tourne autour des élections. Russes et Iraniens souhaitent que Bachar Al-Assad puisse y prendre part. Ce qui revient à l’absoudre de ses crimes et à organiser un improbable scrutin en pleine guerre civile. À l’inverse, Américains et Français veulent son départ avant cette échéance, pour l’instant encore très hypothétique. Mais ils admettent que des personnalités du régime pourraient faire partie de la solution. Ce qui laisse entrevoir une possibilité de compromis. D’autres événements sont intervenus sur le terrain qui peuvent également faire évoluer les points de vue. La conférence de Vienne n’a certes pas abordé la question très conflictuelle des bombardements russes, mais chacun sait, et Moscou n’en fait pas mystère, que les cibles principales sont les zones tenues par la rébellion, notamment autour de Homs et d’Alep, et non par Daech.
Mais, contrairement à ce qu’espéraient Poutine et Assad, l’offensive russe, quoique très meurtrière, n’a pas fait plier la rébellion. Tout au plus a-t-elle empêché à court terme la chute du régime. Les Russes prennent conscience du risque d’enlisement ou d’une fuite en avant dans l’intensification des raids. D’autant plus que leur intervention a conduit les pays du Golfe à multiplier les livraisons d’armes aux rebelles. Reste que les Russes posent une vraie question : celle de la nature de la rébellion et de sa disponibilité à une solution politique. Moscou y répond en reprenant le vocabulaire d’Assad, qui, depuis le premier jour du soulèvement, en 2011, qualifie tous ses opposants de « terroristes ». Il n’en demeure pas moins vrai que la militarisation du conflit a renforcé la position des jihadistes du front Al-Nosra et Ahrar Al-Sham. Et, plus le temps passe, plus cela risque d’être le cas. Raison de plus pour créer rapidement les conditions d’une solution politique, qui ne peut passer que par le départ de Bachar Al-Assad.
Enfin, d’autres événements pourraient influer sur la situation. Les frappes de la coalition contre Daech semblent toujours vaines. Au point que les États-Unis ont décidé d’envoyer, de façon encore limitée, des forces spéciales en renfort des Kurdes, au nord-est du pays. Les Kurdes qui ont opposé pour l’instant la résistance la plus efficace à Daech, mais qui ne doivent pas être ravis du résultat des législatives turques. Enfin, il est trop tôt pour connaître les résultats de l’enquête après le crash de l’Airbus de la compagnie russe Metrojet, le 31 octobre, dans le Sinaï, mais, s’il se confirmait, comme cela semblait se dessiner mardi, que l’appareil a été la cible d’un attentat, cela poserait un gros problème stratégique à Poutine. En déduirait-il que son engagement en Syrie comporte trop de risques ? Ou intensifierait-il son engagement, en ciblant davantage Daech ? C’est l’une des caractéristiques de la tragédie syrienne : les paramètres sont multiples et tout se tient.