Des mots… et des actes ?
François Hollande a multiplié les engagements en direction de l’Afrique, sans évoquer la taxe sur les transactions financières.
dans l’hebdo N° 1381 Acheter ce numéro
C’était le 1er décembre, lors du sommet sur le thème « Défi climatique, solutions africaines », organisé dans le cadre de la COP 21. François Hollande et Ban Ki-moon, secrétaire général des Nations unies, présidaient cette réunion de chefs d’État africains, au cours de laquelle le Président s’est engagé à porter « de 3 à 5 milliards d’euros par an les financements destinés à la lutte contre le changement climatique global ». Cette somme doit contribuer à l’objectif de 100 milliards de dollars de financement d’ici à 2020 fixé par les Nations unies. Deux milliards d’euros seront destinés au développement des énergies renouvelables en Afrique entre 2016 et 2020. L’effort « représentera une hausse de 50 % des engagements bilatéraux français par rapport aux cinq dernières années », précise l’Élysée. Cette volonté d’augmenter les financements pour lutter contre le changement climatique n’a pas échappé aux ONG [^2] qui réclament depuis 2009 une taxe sur l’ensemble des transactions financières (TTF). « C’est un signal positif qui montre que la France a pris en compte les demandes des pays africains quant aux besoins de financements sur le terrain pour s’adapter aux conséquences du changement climatique », se réjouit dans un premier temps Romain Benicchio, porte-parole d’Oxfam France. Mais, de la parole aux actes, il y a loin. Les engagements financiers « pris par la France dans le cadre de son projet de loi de finances pour 2016 sont loin de refléter les annonces » présidentielles du 1er décembre, tempère Romain Benicchio.
Deux mois avant la COP 21, une poignée de députés socialistes et écologistes avaient interpellé le gouvernement sur la partie du projet de budget 2016 consacrée à l’aide au développement, « en totale contradiction avec les objectifs affichés le 28 septembre par François Hollande à la tribune de l’Assemblée générale des Nations unies ». À l’Assemblée nationale, quelques frondeurs socialistes ont bataillé pour obtenir l’adoption en octobre, contre l’avis du gouvernement, de deux amendements pour enrayer la baisse programmée de 177 millions d’euros des crédits de l’aide au développement prévue dans le projet de budget pour 2016. « Nos amendements visaient une augmentation de cette aide avec la TTF », explique Pouria Amarshahi, un des députés socialistes auteurs des amendements. Les députés avaient obtenu l’élargissement de l’assiette de la TTF aux transactions dites intrajournalières, ces opérations spéculatives qui ont lieu au cours d’une seule journée. Dans un autre amendement, ils étaient parvenus à un accord pour affecter 25 % du produit de la TTF, « soit 268 millions d’euros, à l’Agence française de développement (AFD) », selon la commission des Affaires étrangères du Sénat.
Mais cette victoire sur les institutions financières françaises, BNP Paribas et Société générale en tête, qui militent depuis 2012 contre la TTF, aura été de courte durée. Le Sénat a balayé le 24 novembre l’élargissement de l’assiette de la TTF lors du vote de la première partie du projet de loi de finances pour 2016. Et la frilosité du gouvernement fait craindre la mise en cause des nouvelles recettes issues de la TTF lors de la deuxième lecture du projet de loi. « On ne peut pas, d’un côté, évoquer la nécessaire paix et stabilité du monde et, de l’autre, amputer les moyens de cette stabilité. Or, c’est ce que l’on fait en baissant le montant de l’aide au développement », dénonce Pouria Amirshahi, qui devrait s’adresser de nouveau au gouvernement, avec d’autres députés, pour rappeler les engagements financiers de la France lors de la COP 21. La mise au pas de la TTF au Parlement est un coup dur, alors que celle-ci tarde à être mise en place au niveau européen. « Pour être crédible en matière de solidarité internationale, il faut faire preuve d’exemplarité. On est bouche bée devant les annonces de François Hollande pendant la COP 21 », ajoute le député socialiste. De leur côté, les ONG ont en ligne de mire le Conseil européen des affaires économiques et financières, qui s’est réuni le 8 décembre. Sur les 11 États membres, 10 souhaitent instaurer une TTF européenne. Mais les États ont repoussé un accord final à juin 2016. Et, « afin d’éviter un accord en trompe-l’œil, criblé d’exemptions, la France doit annoncer publiquement que les objectifs de recettes de la TTF doivent être compris entre 24 et 34 milliards d’euros annuels », estime Alexandre Naulot, responsable de plaidoyer à Oxfam France. Une façon de dire que la TTF européenne souhaitée par les ONG piétine, ce qui ne sera pas sans conséquences sur les engagements de François Hollande.
[^2]: Aides-Coalition Plus, Attac France, One et Oxfam France.