Front national : une dynamique indiscutable
Contrairement à ce qu’avancent certaines analyses rassurantes sur le Net, le niveau de l’abstention n’a pas beaucoup d’impact sur celui du vote FN.
dans l’hebdo N° 1382-1384 Acheter ce numéro
Le second tour des régionales devrait cette fois doucher ceux qui, dans l’entre-deux tours, relativisaient encore la poussée du Front national. Un visuel mis en ligne sur Facebook le 8 décembre et partagé plus de mille deux cents fois mettait ainsi en rapport le nombre de voix obtenues par les listes FN le 6 décembre (6 018 775, soit 13,29 % des inscrits) et celles qui s’étaient portées sur Marine Le Pen à la présidentielle (6 421 426, soit 13,94 % des inscrits) pour en tirer cette conclusion : « 86 % des Français refusent toujours de mettre un bulletin FN dans l’urne […]. Arrêtons la psychose. Le FN ne monte pas. »
Rassurante, cette « vérité sur les chiffres », qui prétendait que « ce sont les Républicains et les démocrates qui s’abstiennent », reposait toutefois sur un « raisonnement fallacieux », nous expliquait le politiste Joël Gombin avant le second tour. D’abord parce qu’il « compare des élections qui ne sont pas comparables, avec des niveaux d’abstention radicalement différents ». Et surtout parce qu’il « considère que les 6 millions de voix obtenues le 6 décembre sont un sous-ensemble des 6,4 millions de voix de Marine Le Pen à la présidentielle ». Or, pour ce spécialiste du vote FN, universitaire doctorant à l’université de Picardie Jules-Verne d’Amiens, « une partie de ces 6 millions sont des gens qui n’avaient pas voté pour elle auparavant ». Un simple examen des résultats permettait de s’en rendre compte. Dans le Nord-Pas-de-Calais/Picardie, la présidente du FN a rassemblé 909 035 voix le 6 décembre, contre 783 156 au premier tour de la présidentielle ! Idem en Paca, où 719 746 voix se sont portées sur Marion Maréchal-Le Pen au premier tour contre 650 336 sur sa tante en 2012. Mais également en Languedoc-Roussillon/Midi-Pyrénées, où Louis Aliot a recueilli 653 573 suffrages quand sa compagne en avait eu 644 965. Le second tour n’a pas démenti cette vision mouvante, et en l’occurrence dynamique, du vote FN. Avec 6 820 147 voix, l’extrême droite fait mieux qu’à la présidentielle, malgré une participation électorale nettement moindre, et rejoint un niveau jamais atteint, avec 15,23 % des inscrits. D’un tour à l’autre, alors que la participation a fortement augmenté, le FN gagne des voix dans toutes les régions, hormis l’Île-de-France et la Corse : 106 614 voix supplémentaires dans le Nord, 148 907 dans le Grand-Est, 166 401 en Paca, 172 450 en Languedoc-Roussillon/Midi-Pyrénées…