Une COP 21 incantatoire
Malgré la concentration inédite de chefs d’État et en dépit d’efforts sur le style, le fond ne varie guère.
dans l’hebdo N° 1380 Acheter ce numéro
La concentration inédite de 150 chefs d’État en un minuscule point de la planète, sur la moquette grise du Bourget, ressemble à une expérience d’alchimie thermonucléaire : l’espoir que l’exceptionnel confinement d’ingrédients réputés puissants, ne serait-ce qu’une poignée d’heures, parviendra à libérer l’énergie nécessaire à dompter la machine climatique. Et c’est palpable, il rayonne à la COP 21 une volonté nouvelle, comme « jamais », adverbe fréquent des discours de lundi, en ouverture du sommet climat. On a nettement monté le volume pour marteler responsabilité historique, hauteur de l’enjeu, sauver la planète, immense espoir, nos enfants, épisodes extrêmes, etc. Hélas, en dépit d’efforts sur le style, le fond ne varie guère. Les États-Unis reconnaissent-ils « leur rôle dans la genèse du problème » ? Obama ajoute : « Nous avons prouvé qu’une croissance économique forte et un environnement plus sain n’étaient pas forcément en conflit. ». Bref, le mode de vie états-unien n’est toujours pas négociable.
Le Chinois Xi Jinping veut « galvaniser » la COP… mais attend que le Nord mette l’argent sur la table. Poutine prétend réduire les émissions russes tout en doublant le PIB du pays. L’Indien Modi ne veut pas lâcher le charbon. La réalité, c’est qu’à l’ouverture du sommet, le cumul des engagements de réduction d’émissions de gaz à effet de serre conduit la planète vers 3 °C de réchauffement, au lieu des 2 °C préconisés pour éviter l’inconnu. Pour absorber l’écart d’ici à la fin des négociations, chaque pays devrait doubler le niveau de sa contribution – « un coup de baguette magique », résume le climatologue Jean Jouzel. En diplomate expérimenté, Laurent Fabius, président d’une COP 21 déjà en échec sur le principal, tentera donc de la faire reluire en agrégeant des avancées peu mesurables, telle cette « Mission innovation » de vingt pays, dont la France et les États-Unis, qui s’engagent à doubler en cinq ans leurs investissements dans les énergies propres. S’y adjoint la toute neuve « Breakthrough Energy Coalition » de Bill Gates, milliardocratie d’une trentaine d’énormes fortunes (Bezos, Zuckerberg, Branson, Soros, Tata, Niel, etc.), qui veut ouvrir son portefeuille pour, écrit le fondateur, « créer le miracle énergétique dont le monde a besoin », autre manière d’incantation.