Vers la privatisation des barrages
La France est sommée par la Commission européenne de libéraliser ses concessions hydroélectriques.
dans l’hebdo N° 1382-1384 Acheter ce numéro
C’est la loi du marché. Cet été, la privatisation des barrages français était engagée, son inscription dans la loi de transition énergétique étant votée. C’est peu ou prou ce qu’a réaffirmé la Commission européenne fin octobre, en mettant la France en demeure d’ouvrir à la concurrence ses concessions hydrauliques… et d’écarter leur opérateur historique, EDF, des prochains appels d’offres pour empêcher qu’il puisse les remporter.
L’annonce a fait bondir tant le Comité central d’entreprise d’EDF (CCE) que les syndicats, qui alertent sur les risques de la privatisation du secteur. Car si Bruxelles parle de marché de l’électricité, CCE et syndicats soulignent que les barrages sont avant tout d’intérêt général. « Par sa rapidité de mise en œuvre [l’énergie hydraulique] contribue de façon coordonnée au soutien du réseau au moment des pics de consommation. […] Elle est un élément essentiel de la sûreté de nos centrales nucléaires, gestion de la source froide et renvoi de tension en cas d’incident », rappelle la CGT dans un communiqué. « Ouvrir les concessions hydrauliques au plus offrant mettrait en grave danger ce système basé sur la recherche de l’intérêt général, renchérit le CCE d’EDF. En effet, quel opérateur privé aura comme objectif de préserver ce service à la nation alors que les pics de consommation seront pour lui le moyen de vendre assurément, et avec profit, sa production ? »
Pour Jean-Luc Magnaval, secrétaire du CCE, la Commission européenne ne s’intéresse qu’à une partie du problème, sans se soucier des conséquences plus générales d’une libéralisation du secteur : « À Bruxelles, ils ne pensent qu’en termes de production d’électricité, mais avec les barrages, c’est aussi toute la gestion de l’eau qui est concernée. » Irrigation pour l’agriculture, alimentation en eau potable, industrie, loisirs… Autant de services qui ne resteraient pas longtemps gratuits. Car quel opérateur mettrait ainsi ses ressources à disposition de la collectivité sans exiger de contrepartie ? La France a jusqu’à fin décembre pour répondre à la mise en demeure de la Commission européenne. De leur côté, les salariés d’EDF envisagent de nouvelles mobilisations en janvier.