Allemagne : La lutte des femmes au second plan
Après la série d’agressions sexuelles de la Saint-Sylvestre à Cologne, les débats se concentrent sur la question migratoire.
dans l’hebdo N° 1386 Acheter ce numéro
Les plaintes déposées pour des faits de violences lors de la nuit de la Saint-Sylvestre à Cologne sont toujours plus nombreuses. Le 10 janvier, le ministère de l’Intérieur de la région en comptait 516, dont 237 pour des agressions sexuelles. Assez rapidement, des témoignages ont fait état de « l’apparence » arabe ou nord-africaine des auteurs. Sur les dix-neuf suspects que la police de Cologne a identifiés pour le moment, quatorze sont de nationalité marocaine ou algérienne, dix ont le statut de demandeurs d’asile. Ce qui a déclenché outre-Rhin une série de réactions discriminatoires vis-à-vis de tous les réfugiés et les immigrants d’origine arabe, ou les Pakistanais, présents dans le pays. Au-delà même de l’extrême droite, c’est toute une partie de la classe politique allemande, de la droite bavaroise jusqu’aux sociaux-démocrates, qui a appelé à un durcissement du droit d’asile et à des expulsions plus faciles des réfugiés criminels.
Dans ce débat, la question des violences faites aux femmes est vite passée au second plan. Pire, elle est en partie instrumentalisée contre les migrants, au grand dam de Gesine Agena, porte-parole des Verts allemands sur les questions des droits des femmes. « La lutte contre les violences faites aux femmes et celle contre le racisme ne doivent pas être montées l’une contre l’autre », s’indigne la jeune femme de 28 ans. Gesine Agena a co-initié lundi un appel « Contre la violence sexuelle et le racisme. Toujours. Partout. Sans exception », aux côtés d’une vingtaine de militantes féministes allemandes, dont certaines de confession musulmane. Elles y rappellent que les violences sexuelles ne sont pas apparues en Allemagne avec la récente vague de migration. Et y appellent à une réforme du droit pour mieux protéger les victimes.
Car en l’état actuel, la loi allemande a une interprétation très restrictive de ce type de violences. « Nous, les Verts, nous avons déposé cet été une proposition de loi pour une réforme du paragraphe du code pénal sur le viol, pour bien préciser que toute relation sexuelle qui a été explicitement refusée doit être reconnue comme un viol », indique Gesine Agena. Les associations féministes demandent elles aussi une réforme en ce sens depuis des mois. Jusqu’aux événements de la Saint-Sylvestre, elles n’avaient pas été entendues. « Ce que nous voulons aussi, c’est une meilleure formation de la police sur les violences sexuelles », ajoute la jeune femme. Une sensibilisation qui semble d’autant plus nécessaire à la lecture du compte rendu des autorités régionales sur les événements de Cologne. « Comme il ne s’agissait que d’attouchements au niveau des vêtements extérieurs, la préfecture de police a renoncé à engager des mesures immédiates », précise le document au sujet des premiers délits sexuels signalés dans la nuit du 31 décembre. Plus de 230 signalements ont suivi.