« J’aurais aimé enregistrer la révolte des canuts ! »
Mouvements lycéens, féministes, révoltes ouvrières. Micro en main, Olivier Minot livre ses vingt ans de manifs, vingt ans de luttes. Un doc sonore foisonnant.
« A bas, à bas le CPE ! » ; « Le fascisme, c’est la gangrène ! » ; « Tous ensemble, tous ensemble ! » ; « Nous sommes tous, des enfants d’immigrés ! » ; « les lois sécuritaires, ne nous ferons pas taire ! » Ici, une manif féministe, ou altermondialiste, là un concert de Manu Chao au Larzac, d’autres manifs de gauchos. Et puis très vite, le commentaire d’une gamine observant, avec toute sa naïveté, cette énergie qui martèle bitume et pavés, plein de gens, mais qui ne sait encore compter.
Réalisateur, Olivier Minot confie qu’il n’a pas été élevé dans le goût de la manifestation. Ses parents étaient de gauche. Sans plus. Votant allègrement Mitterrand en 1981, puis en 1988. Du coup, son plus vieux souvenir de manif remonte à Bourg-en-Bresse, juché alors sur son vélo, errant, en quête d’animations, d’occupations dans cette « petite ville bourgeoise où [il] s’ennuyait sévère ». Jusqu’à tomber sur une foule, « énorme, qui avait l’air très déterminé. Ça bougeait, ça hurlait, c’était super impressionnant ». On est en 1994 ; il a douze ans. « Enfin, il se passait quelque chose dans ma vie. J’avais l’impression d’assister à un événement important, qui qui allait marquer l’histoire. En tout cas, on allait en parler à la télé ; et j’étais là, tout près. » En l’occurrence, la rue exigeait le retrait du CIP. Manif inaugurale pour Minot. Il sera de toutes les autres, à un bémol près : il aurait aimé « enregistrer la révolte des canuts »… C’est son credo, sa marotte, son dada. Plus de vingt ans déjà. « Aller à la manif, confie-t-il dans ce documentaire sonore gavé d’archives, puisé dans un fonds de centaines d’heures de rushes, aller à la manif, donc, c’est un peu comme aller au stade, former une masse unique et forte ». De fait, on y retrouve son équipe et l’on se bat, « contre un ministre ou une réforme ». Les buts pourraient « se compter en vitrines brisées, ou en flics blessés ». Certes, on perd souvent. « C’est peut-être pour ça qu’il y a plus de monde au stade ! » C’est aussi « comme aller à la messe », y retrouver des gens « avec lesquels on psalmodie ». Mais sans beaucoup de miracle, ou rarement. Avec la Révolution ne sera pas podcastée, reconnaissant se « cacher derrière son micro », partisan et observateur, Olivier Minot livre ainsi son expérience de la manif. Douce, amère, joyeuse et désillusionnée, parfois violente. Expérience lointaine donc, nourrie d’anecdotes, qui s’écrit à coups de points d’exclamation, jalonnant un récit emprunt de pédagogie, à la fois intime et universel. Jubilatoire !
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