Lassana Bathily : La République d’un sans-papiers
Lassana Bathily, décrété « héros » de l’Hyper Cacher, raconte sa vie d’avant le 9 janvier 2015.
dans l’hebdo N° 1385 Acheter ce numéro
N’en déplaise à ceux qui ont besoin de personnages hors du commun, Lassana Bathily a intitulé le livre qu’il fait paraître un an après les attentats de janvier 2015 Je ne suis pas un héros. On se souvient qu’il mit à l’abri des clients dans le sous-sol de l’Hyper Cacher attaqué par Coulibaly, avant de s’enfuir et de renseigner les forces de police. Pour celui qui était alors magasinier, Nelson Mandela correspond, lui, à la figure du « héros », ou Martin Luther King, « qui a combattu le racisme sans tuer personne ». Après avoir « agi avec (s)on cœur, un point c’est tout », Lassana Bathily a été projeté sous les lumières de la notoriété, obtenant la nationalité française instantanément, étant reçu à l’Élysée aussi bien qu’aux États-Unis et sur tous les plateaux de télévision, où l’on s’est longtemps étonné qu’un Malien musulman puisse travailler dans un magasin juif – ce qui pour lui n’a jamais été un problème, ni même une question. Il ne restait plus à un éditeur qu’à le solliciter pour qu’il fasse le récit de sa vie – le voici. Le plus intéressant du témoignage de cet homme de 25 ans ne concerne pourtant pas le 9 janvier ni la gloire qui s’est ensuivie. Mais ce qui a précédé. Ces années où, débarqué en France de son Mali natal à 16 ans, comme son père qui était venu y travailler, Lassana Bathily, longtemps sans-papiers, a dû conquérir sa place. Comme l’indique le titre de l’un des chapitres, « Le parcours du combattant », rien n’a été facile.
Lassana Bathily ne manifeste pourtant aucun doute sur la possibilité de s’intégrer dans la société française. Son témoignage, même teinté de gratitude envers le pays dont il est désormais un citoyen, respire la sincérité, et force lui est de reconnaître que sa volonté d’intégration s’est vue contredite à plusieurs reprises. Notamment par l’administration française ou certains patrons non payeurs qui le contraignaient à l’illégalité, comme frauder dans les transports publics, par exemple. Les sans-papiers qui résistent sont des « héros ».