Vers une crise financière mondiale ?
2016 restera dans un régime de turbulences financières.
dans l’hebdo N° 1388 Acheter ce numéro
L’année 2016 a débuté par une panique générale sur les marchés financiers. Les cours boursiers se sont effondrés simultanément sur toutes les places financières, dans les pays avancés comme dans les émergents. La raison de ce pessimisme soudain des acteurs financiers : une incertitude totale quant à l’évolution du capitalisme mondialisé dans les prochains mois. À commencer par les principales économies de la planète : le Japon et l’Europe sont au bord de la déflation, les États-Unis ont une sortie de crise plus laborieuse que prévu, l’économie brésilienne s’est effondrée et – last but not least – la Chine va mal car elle est piégée par son modèle de croissance fondé sur les exportations, pénalisé par la récession mondiale.
Parallèlement à la chute des indices boursiers, on assiste à un effondrement sans précédent des cours du pétrole et des matières premières. La baisse de la demande mondiale liée à la récession n’en est pas la seule cause. Il y a aussi une pression à la baisse sur les prix des hydrocarbures, causée par la « révolution » du gaz de schiste états-unien et par des facteurs géopolitiques tels que l’arrivée de l’Iran sur le marché du pétrole, avec la fin de l’embargo sur ses exportations. Cette baisse des prix des énergies fossiles a des effets pervers non seulement sur les émissions de gaz à effet de serre, mais également sur les tendances déflationnistes à l’œuvre dans l’économie mondiale.
Il y a tout lieu de considérer que l’année 2016 restera dans un régime de turbulences financières qui pourraient conduire à une crise financière mondiale. L’une des causes principales de ce risque global réside dans le caractère inadapté et dangereux des politiques d’inspiration néolibérale qui gouvernent la planète. En premier lieu, la poursuite des politiques d’austérité, notamment au Brésil et dans l’Union européenne, première puissance commerciale mondiale, aggravera les tendances récessives. Mais l’une des principales sources d’instabilité future proviendra de l’énorme quantité de liquidités injectée par les banques centrales, estimée à 30 % du PIB mondial, pour venir au secours des banques et des acteurs en difficulté. Ces liquidités ne manqueront pas d’alimenter la spéculation. À la moindre alerte, ces milliards se déplaceront d’une place à l’autre, créant des bulles successives… jusqu’au krach global.
Il y a trois raisons de penser que la prochaine crise pourrait être plus grave que celle qui avait pris naissance aux États-Unis en 2007-2008. D’abord, la finance est devenue complètement mondialisée, comme le montre la simultanéité des crises boursières du début de 2016. Ensuite, les gouvernements sont aujourd’hui en proie à des déficits importants, à la suite de la crise précédente ; ils ne pourront plus mobiliser les munitions et les marges de manœuvre dont ils avaient disposé. Enfin, aucune réforme significative n’a été réalisée dans les principaux pays financiarisés pour mettre au pas les acteurs financiers. Contrairement à la période qui a suivi la crise des années 1930, aucun gouvernement n’a eu le courage de procéder au démantèlement des grandes banques systémiques, principaux acteurs de la finance et de la spéculation globales.
Chaque semaine, nous donnons la parole à des économistes hétérodoxes dont nous partageons les constats… et les combats. Parce que, croyez-le ou non, d’autres politiques économiques sont possibles.