Une farce au goût amer

Façon Michael Moore, François Ruffin épingle Bernard Arnault.

Michel Soudais  • 24 février 2016 abonnés
Une farce au goût amer
Merci patron !, François Ruffin, 1 h 30.

On connaissait François Ruffin en journaliste poil-à-gratter. Avec ce premier film, le fondateur de Fakir se fait réalisateur et comédien pour promouvoir l’un des combats de son mensuel. Sa cible : Bernard Arnault, première fortune de France.

Vêtu d’un tee-shirt « I love -Bernard », Ruffin fait mine de défendre l’image du roi du luxe et de l’influent patron de presse (Les Échos, Le Parisien) auprès de ses victimes, des ouvrières d’une usine qui fabriquait pour LVMH des costumes Kenzo avant d’être délocalisée en Pologne. Le film bascule quand une déléguée CGT lui fait rencontrer Jocelyne et Serge Klur. Licenciés six ans plus tôt, les époux, qui vivent à Forest-en-Cambrésis, sont tombés dans la misère. Ils n’ont que trois euros par jour pour vivre et leur maison est sur le point d’être saisie. Dans leur séjour-cuisine, Ruffin-Robin des bois va leur proposer de réclamer argent et emploi au milliardaire s’il veut éviter de voir leur situation médiatisée. On s’amuse de voir Bernard Arnault mordre à l’hameçon et dépêcher auprès du couple un truculent ex-commissaire pour préserver son image.

Cette farce où tout est vrai n’est certes pas un monument du 7e art. Son mérite est toutefois de porter à l’écran, façon Michael Moore (Roger et Moi), une question sociale quand le sort des exploités sur lesquels se bâtissent les grosses fortunes ne suscite d’ordinaire qu’indifférence. Mais l’arnaque qui constitue le cœur de l’intrigue, menée comme une blague potache, à l’image de la chanson des Charlots (« Merci patron ! ») reprise en chœur par l’équipe de Fakir autour d’un barbecue dans le jardin des Klur, laisse un goût amer. Elle ne fait que souligner l’échec ou l’absence d’action collective capable d’empêcher les licenciements boursiers. Et suggérer que seule l’amoralité peut répondre à celle de notre société.

Cinéma
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