Barrons la route aux pétrotrafiquants !
Txetx Etcheverry dénonce la tenue à Pau en avril d’un sommet pour l’exploitation pétrolière en eaux profondes et appelle à en empêcher le bon déroulement.
dans l’hebdo N° 1397 Acheter ce numéro
Moins de quatre mois après la COP 21, un autre sommet international va se tenir en France. Organisé par la société américaine Quest Offshore, il réunira, du 5 au 7 avril, multinationales pétrolières et opérateurs offshore pour étudier comment « réussir une baisse significative des coûts pour que l’industrie opérant en mer profonde puisse rester compétitive […], à travers un changement d’échelle en matière d’efficience nécessitant des collaborations industrielles renforcées et des technologies innovatrices ». L’objectif est de pouvoir ainsi «développer l’extraction du pétrole et du gaz en eaux profondes »* malgré le contexte de baisse actuelle du prix du pétrole. Dans la feuille de route de cette conférence, intitulée MCE Deepwater Development (MCEDD), pas un mot sur le climat, sur la COP 21, sur l’accord de Paris et ses engagements.
Total, Shell, Exxon, Repsol, BP, OneSubsea, ABS, Technip, Vallourec, Halliburton, etc. et d’autres opérateurs de l’exploration, du forage et de l’exploitation en eaux profondes se retrouveront donc pendant trois jours à Pau, dans le sud-ouest de la France, comme si la COP 21 n’avait jamais existé. Le fait que tous les États du monde aient, en décembre dernier, adopté à Paris des engagements propres à contenir le réchauffement climatique en dessous des 2 °C, voire 1,5 °C, ne semble pas concerner ces entreprises. Elles sont pourtant directement responsables du dérèglement climatique, la combustion d’énergies fossiles étant responsable de plus de 80 % des émissions de CO2 dans le monde, soit 62 % des émissions de gaz à effet de serre.
En outre, l’Agence internationale de l’énergie estime que, pour éviter de franchir le seuil des 2 °C de réchauffement à l’horizon 2100, il faudra laisser sous les sols et les océans, sans les extraire, les deux tiers des réserves prouvées d’énergies fossiles. Si nous exploitons toutes les énergies fossiles disponibles, les températures grimperont de 9 °C, s’est alarmé début avril 2015 Michael Greenstone, professeur à l’université de Chicago et ancien chef économiste de la Maison Blanche.
Les supermajors du pétrole et du gaz se réuniront malgré tout pour étudier comment développer toujours plus l’exploitation des réserves d’énergies fossiles de la planète, jusqu’aux moins accessibles. L’objet du sommet MCEDD est donc clairement de violer les engagements pris à Paris par l’ensemble des États, de faire en sorte que ces objectifs restent lettre morte.
Pour continuer à se remplir les poches – et celles de leurs actionnaires –, ces multinationales n’hésitent donc pas à condamner la planète à une trajectoire climatique incompatible avec la vie humaine sur Terre ! Comment qualifierait-on la tenue d’une conférence internationale de narcotrafiquants venant du monde entier à Pau étudier des partenariats et des technologies innovantes permettant de développer la production et la distribution d’héroïne et de cocaïne malgré un contexte de baisse mondiale de leur prix de vente ? Comment accepter l’indécence et le cynisme absolu de l’organisation de ce sommet dans l’État qui vient de recevoir la COP 21 ?
Défenseurs des océans et du climat, nous donnons rendez-vous du 5 au 7 avril à Pau pour empêcher le bon déroulement de ce sommet et envoyer ainsi un signal fort aux investisseurs du monde entier : leurs investissements doivent désormais s’orienter vers les politiques de sobriété et d’efficience énergétique, ainsi que vers le développement des énergies renouvelables. Nous, citoyens et peuples du monde entier, prenons au sérieux les engagements de l’accord de Paris de maintenir en deçà de 2 °C le réchauffement global. Ils ont été adoptés par l’ensemble des États du monde, ils doivent être respectés ! À partir de maintenant, nous bloquerons les projets et les politiques les violant sciemment.
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