Éric Piolle : « Parier sur l’invention dans la frugalité »
En dépit d’une situation financière difficile, Éric Piolle ne renonce pas à son programme de transition écologique.
dans l’hebdo N° 1397 Acheter ce numéro
Le déficit hérité de la gestion socialiste et la baisse des dotations d’État ont considérablement réduit les marges de manœuvre de la municipalité grenobloise, qui oppose la cohérence globale de ses choix à des crispations catégorielles.
Dans une situation financière aussi tendue, est-il encore crédible de ne pas augmenter les impôts locaux à Grenoble ?
Éric Piolle : Oui, parce que cet engagement a une portée avant tout sociale. Les habitants assument déjà le montant d’imposition local le plus élevé de France, et de loin, pour une ville de cette taille. Et ce via une taxe foncière dont le caractère inégalitaire est renforcé ici par l’impact d’opérations d’amélioration de l’habitat datant des années 1970 : ce ne sont pas les plus huppés qui payent le plus. Nous n’invoquerons pas non plus la baisse de la dotation de l’État – une hallucinante politique gouvernementale de récession – pour augmenter les impôts locaux.
Le pays est dans une période charnière : même si l’austérité financière nous complique la tâche, il nous faut montrer que l’on peut rebondir en s’appuyant non pas sur la construction de grands équipements à usage unique, comme ce fut le cas par le passé dans cette ville, mais sur des programmes à fort rendement financier, environnemental et social, telles la réhabilitation thermique des bâtiments anciens, les économies d’énergie, les énergies vertes, etc.
La municipalité affronte des contentieux inattendus avec le milieu de la culture. Les premiers déçus de l’ère Piolle ?
Des maladresses, on en commet toujours. Cependant, l’urgence financière imposait des choix drastiques et rapides. Nous sommes revenus sur des pratiques installées, nous avons coupé principalement dans les plus grosses subventions. Il n’est pas question de sanctuariser la culture, comme le réclament certains. Seul le budget de l’éducation a augmenté, car il y avait beaucoup à rattraper.
Nous faisons le pari de l’enthousiasme, de l’invention dans la frugalité, sur une ligne politique affichée : s’appuyer sur les artistes, mais pas uniquement. Il y a le street art, l’ouverture à l’extérieur du conservatoire, la programmation de saisons théâtrales… Nous voulons mettre en partage toutes nos cultures, articuler les projets entre eux, favoriser l’émergence de nouveaux acteurs.
Les commerçants du centre-ville se crispent également, redoutant des aménagements urbains autoritaires. Encore un problème de communication ?
Le percement ancien de grands axes pénétrants a transformé la ville en une sorte de circuit automobile. Notre enjeu est d’en sortir. Nous voulons élargir le centre-ville de -Grenoble – trois fois plus réduit qu’à Nantes ou à Strasbourg – et y favoriser la circulation douce. Nous faisons le pari, comme avec l’arrivée du tram ou des rues piétonnes, que cela favorisera le commerce.
En dépit des difficultés, trouvez-vous des motifs de satisfaction ?
Le principal, c’est de tenir le cap d’une progression cohérente : reconquête de l’espace public, développement de la démocratie locale, lien renforcé entre les services publics et les habitants, choix d’avenir par des investissements à portée écologique, économique et sociale dans le bâtiment, l’énergie, les transports, etc. Certes, nous ne travaillons pas dans la facilité, mais nous ne serions pas à cette place si nous ne vivions pas la fin d’un cycle, qui appelle des changements profonds.