Esperanza Spalding : Mélange des genres

Le dernier album de la bassiste et chanteuse Esperanza Spalding, groovy et envoûtant.

Pauline Guedj  • 23 mars 2016 abonnés
Esperanza Spalding : Mélange des genres
© **Emily’s D+Evolution**, Esperanza Spalding, EMI. Photo : BENNETT RAGLIN / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP

Il aura fallu moins de dix ans à Esperanza Spalding pour s’imposer comme une figure majeure de la musique populaire américaine. Sa voix légère et haut perchée et son jeu de basse abrasif ont parcouru tous les festivals de jazz européens. À 30 ans, la jeune femme avait déjà accompagné les plus grands musiciens de jazz et de soul, Wayne Shorter, Joe Lovano, Stevie Wonder, Prince. Ses deux précédents albums, le diptyque Chamber Music Society et Radio Music Society, ont reçu maintes récompenses, dont le Grammy Award de la révélation décerné pour la première fois à un artiste venu du jazz. Esperanza Spalding est exigeante, inventive. Elle compte parmi ces rares musiciens capables de créer des passerelles entre chanson et musique improvisée.

Certainement le plus ambitieux de sa jeune carrière, le nouvel l’album de Spalding est une rencontre inattendue entre l’univers imagé de la comédie musicale américaine – le dernier morceau est un extrait du film Willy Wonka – et celui, fusion, d’un disque de Weather Report ou de Joni Mitchell. C’est un voyage dans lequel la musicienne retourne en enfance et crée un personnage, Emily, dont elle suit les métamorphoses. Spalding change de look, chausse les lunettes de son adolescence et laisse se déployer dans sa musique ce double d’elle-même, comme une voie alternative qu’elle n’aurait jusqu’alors pas suivie. Le résultat est un « album concept », le récit étrange d’un personnage en train de se faire, entre jazz-rock et ritournelles enfantines. Les textes sont plus travaillés qu’à l’habitude, les compositions audacieuses et les arrangements d’une efficacité folle permettent au disque de ne pas sombrer dans son concept. On y trouve des pépites groovy et entraînantes, « Good Lava », « Funk The Fear » et un trésor, « Judas », à écouter en boucle.

Musique
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