ESS et Loi Travail : pour nous aussi, c’est NON !
Ce billet, le premier depuis le réaménagement –réussi – du site de Politis, s’inscrit dans un contexte « terrible ».
Terrible, c’est le mot qu’employa Jean Jaurès pour qualifier la loi « LeChapelier ». Qu’aurait-il dit devant l’actuel projet de Loi Travail qui procède du même élan libéral ? Pour nous qui oeuvrons à une ESS de transformation sociale, c’est résolument NON !
Il ne s’agit pas ici de détailler l’ensemble des mesures du projet présenté par Myriam El Khomri. Cela a été dûment fait dans ces derniers jours et la pétition « Loi travail : non merci » qui dépasse largement le million de signataires relève les principales aberrations, les principaux reculs de ce texte.
Même le professeur Antoine Lyon-Caen, un moment embarqué dans une opération de préparation des esprits aux changements de paradigmes d’aujourd’hui proposés, s’est « rebiffé » et dans un entretien au Monde en dénonce les termes.
Après les compliments prodigués par la Droite au texte imposé à la jeune ministre par Manuel Valls, le MEDEF, devant le report de quinze jours proposé par le Premier ministre, met en garde contre tout « affadissement du texte originel ».
Cette attitude arrogante, après tout ce qu’il a pu obtenir du Gouvernement ces dernières années, n’est pas pour nous étonner.
Ce qui nous choque davantage, c’est l’approbation globale que semble donner au projet El Khomri l’UDES, le principal groupement d’employeurs de l’ESS, telle qu’il s’exprimait récemment par la voix de son Président.
De fait, les entreprises de l’ESS sont, au regard du travail, soumises au droit commun. Elles peuvent subir des contraintes, vivre en leur sein des tensions. Leurs salariés sont tenus dans un lien classique de subordination et les rapports sociaux ne sont pas exempts de contradictions qui peuvent générer des conflits.
Mais confondre la responsabilité d’employeur et une crâne affirmation patronale, oublier tout « entreprendre autrement » pour entonner les antiennes du MEDEF et d’une partie des dirigeants de la CGPME qui n’ont que mépris pour notre ESS, c’est beaucoup !
Même l’UPA qui sait la part belle donnée par le texte aux grandes entreprises se montre plus critique.
L’Economie sociale est fille de la nécessité mais aussi du mouvement social, elle s’est développée parallèlement aux conquêtes ouvrières.
L’Economie solidaire s’est constituée en réaction aux effets des prédations de la « révolution libérale ».
Si on peut comprendre le désir ardent des dirigeants de l’UDES de se voir reconnaître enfin pour ce l’ESS représente, il apparaît qu’à leurs yeux cela passe non par l’affirmation d’un état de fait, par la lutte collective, mais par un compromis avec les instances patronales.
Notons que la FNSEA, elle-même engagée depuis des dizaines d’années dans une pareille impasse, n’a jusqu’à présent pas obtenu satisfaction.
Beaucoup de dirigeants élus de l’ESS, salariés eux-mêmes –du moins à l’origine- souvent en responsabilité syndicale ou associative au sein de mouvements aux aspirations progressistes, sont à coup sûr en désaccord avec les orientations résolument « patronales » du texte Valls-El Khomri.
Au risque de voir s’élargir l’incompréhension et à terme le fossé entre l’opinion, le mouvement social et une ESS prenant insensiblement, voire pour certains de ses responsables délibérément, des distances avec son histoire, ses valeurs et principes, il est temps que se fassent entendre, les voix d’un « entreprendre autrement », d’une économie sociale, collective et démocratique et innovante, c’est à dire tournant le dos aux vieilles lunes libérales et faisant toute leur part à ses salariés.
La Loi LeChapelier était « justifiée » en son temps (1792) par la révolution du l’énergie vapeur, on essaye de nous renvoyer à son principe fondamental de libre négociation entre le patron et le salarié isolé au nom de la révolution numérique.
Quel bégaiement tragique de l’histoire !
Il est temps de penser et de mettre en place des alternatives.
Et vous, vous faites quoi demain ?
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