Percée de l’extrême droite en Allemagne
La lourde défaite de l’Union chrétienne-démocrate a bénéficié à Alternative pour l’Allemagne, qui obtient 15,4 % des suffrages dans le Bade-Wurtemberg, le fief traditionnel de la CDU.
dans l’hebdo N° 1395 Acheter ce numéro
Il nous est arrivé plus souvent qu’à notre tour d’espérer la défaite d’Angela Merkel. Il n’est pas sûr pourtant que le revers subi dimanche par son parti, la CDU, dans trois régions, le Bade-Wurtemberg, la Rhénanie-Palatinat et la Saxe-Anhalt, soit de très bon augure. La chancelière est en grande partie victime de sa politique d’accueil des migrants. Quelles qu’en soient les motivations, généreuses ou intéressées pour corriger une démographie défaillante, cette politique a profité à un million de réfugiés. Et la lourde défaite de l’Union chrétienne-démocrate a spectaculairement bénéficié au parti d’extrême droite Alternative pour l’Allemagne (AfD), qui obtient 15,4 % des suffrages dans le Bade-Wurtemberg – fief traditionnel de la CDU et région frontalière de la France – et jusqu’à 24,3 % en Saxe-Anhalt, un Land situé dans l’ex-Allemagne de l’Est, miné par des problèmes sociaux.
C’est un parti dont la leader, Frauke Petry (photo), a tranquillement suggéré que l’on tire sur les réfugiés qui tenteraient de franchir la frontière. Un parti dont la base se confond souvent avec le mouvement anti-immigrés Pegida, quand ce n’est pas avec des groupuscules néonazis.
Cette percée de l’extrême droite est la première d’une telle ampleur en Allemagne depuis 1945. Mais l’AfD est aussi un parti anti-système, partisan de la sortie de l’euro. Il est donc représentatif d’un mouvement de fond du populisme d’extrême droite européen, combinant un discours social et un fort racisme anti-musulman. Un phénomène qui avait jusqu’ici plutôt épargné l’Allemagne.
Maigre consolation dans ce sombre tableau, le très bon score des Verts dans le Bade-Wurtemberg, où ils sont premiers avec 30 % des suffrages. Quant à la résistance du SPD en Rhénanie-Palatinat, où le parti social-démocrate arrive en tête, elle n’efface pas sa piètre performance dans les deux autres Länder. Le parti de Sigmar Gabriel n’obtient que 10,6 % en Saxe-Anhalt et 12,7 % en Bade-Wurtemberg.
Les élections partielles allemandes représentent aussi un échec – un de plus – pour l’Europe, dont l’Allemagne était jusqu’ici le « bon élève ». Angela Merkel paye le refus de ses partenaires européens de prendre leur part dans l’accueil des migrants. Le grand paradoxe de la situation est que, en fermant leurs frontières, les pays des Balkans et de l’Europe de l’Est vont finalement voler involontairement au secours de la chancelière. En bloquant le passage des réfugiés, ces pays tariront le flux vers l’Allemagne. La fermeture de la « route des Balkans » a déjà entraîné une baisse de 33 % des arrivées en Allemagne entre janvier et février. Le ministre de l’Intérieur allemand, Thomas de Maizière, ne s’est pas gêné pour s’en féliciter.
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