« Volta à terra » : À la dure
João Pedro Plácido brosse le portrait sans complaisance de paysans portugais.
dans l’hebdo N° 1397 Acheter ce numéro
C’est l’inverse du cinéma de Raymond Depardon. Si le photographe-cinéaste filme le monde paysan avec une bienveillance quasi condescendante et à l’intérieur des fermes, João Pedro Plácido installe sa caméra dehors et à une distance respectueuse de ses sujets : des agriculteurs d’Uz, petit village du nord du Portugal. Son regard reste sans concession, presque aussi rude parfois que la vie qu’ils mènent. Ce sont des -cultivateurs pauvres qui pratiquent la -paysannerie d’hier : ils fauchent à la faucille, tondent aux ciseaux, fanent et désherbent à la main… C’est tout juste si la machine à ficeler les bottes n’a pas l’air de revenir du futur.
La personnalité de chacun se devine à peine derrière la barrière des conversations quotidiennes. Plus qu’un retour du réalisateur à la terre de ses grands-parents, Volta à terra s’apparente à un portrait de groupe : une famille, un village, une petite communauté en dehors du temps à l’heure de l’Europe et de la mondialisation. On dort dans des lits en fer dans des chambres aux murs sans peinture. La grand-mère s’inquiète de la santé de la télé qui tue l’ennui. On insulte les vaches. On engueule les brebis. On égorge le cochon. On mange des patates au chou que le grand-père a triées en répétant : « C’est pas grand-chose, mais c’est mieux que rien dans un pays fasciste »… Si ce n’était l’ordinateur portable et l’appareil photo numérique qui traversent le cadre au moment des fêtes du mois d’août, on aurait peine à se croire en 2016.
D’un hiver à l’autre, et sans s’émouvoir de la beauté d’une nature peu hospitalière, perce le vrai sujet du film : non pas tant la survie d’un milieu oublié et courageux, mais la solitude affective et sexuelle de ses héritiers. Dont Daniel, qui connaît plus de bêtes par leur prénom que de filles.