À peine arrivés, aussitôt expulsés

De nombreuses associations dénoncent l’accord UE-Turquie comme une violation du droit d’asile.

Lena Bjurström  • 13 avril 2016 abonné·es
À peine arrivés, aussitôt expulsés
© LOUISA GOULIAMAKI/AFP

Retour à la case départ. Le 4 avril, 202 migrants ont embarqué dans des navires à destination de la Turquie, sous bonne garde policière. Quatre jours plus tard, 124 autres ont été expulsés des îles grecques, en vertu de l’accord passé entre l’Union européenne (UE) et la Turquie. Signé le 18 mars, celui-ci prévoit le renvoi en Turquie de tout migrant arrivé en Grèce à partir du 20 mars et n’ayant pas fait de demande d’asile, ou dont la demande a été rejetée. Dénoncée par de multiples ONG comme une violation du droit d’asile, cette mécanique se met doucement en place. Mais, déjà, certaines craintes sont confirmées.

Car, si la Grèce s’est engagée à examiner en procédure accélérée les demandes d’asile avant tout renvoi, encore faut-il que les migrants concernés aient eu le temps d’en déposer une avant d’être enfermés dans les centres d’enregistrement, devenus, depuis une semaine, de véritables camps de rétention. Parmi les 202 personnes expulsées le 4 avril, 13 n’auraient pas pu -déposer cette requête. Par ailleurs, si les pays européens ont été relativement prompts à fournir à la Grèce des renforts policiers, celle-ci attend toujours les experts censés l’aider à examiner les demandes d’asile, qui se sont logiquement multipliées. Sur les 400 juristes et interprètes attendus, quelques dizaines seulement sont arrivés, notait le 6 avril le ministre grec aux Affaires européennes, Nikos Xydakis.

Dans les îles de Chios et de Lesbos, les réfugiés attendent le cœur serré que leur sort soit tranché (voir ci-contre). Pour eux, la Turquie n’est pas un « pays sûr », comme les Européens aiment le désigner. Le 1er avril, Amnesty International dénonçait ainsi l’expulsion par les forces de l’ordre turques de plusieurs milliers de Syriens vers leur pays en guerre. Quant aux Pakistanais, majoritaires parmi les migrants expulsés la semaine passée, leur renvoi au pays est désormais facilité par un décret voté le 8 avril par le Parlement turc. Certes, les ministres européens, en visite à Istanbul le 8 avril, ont promis qu’ils surveilleraient la -Turquie, afin d’éviter des dérives. Sans garanties.

En contrepartie des expulsions de la Grèce vers la -Turquie, l’UE s’est engagée à réinstaller un réfugié syrien dans un pays membre pour toute personne de la même nationalité renvoyée, dans la limite de 72 000 places. Un quota bien faible au regard des 2,7 millions de Syriens actuellement en Turquie. En outre, les tentatives de répartition lancées depuis septembre se sont heurtées à l’opposition farouche de certains pays comme la Hongrie, où la crise des réfugiés est devenue un enjeu de politique intérieure.

Autant d’éléments qui menacent de gripper un accord controversé. Au-delà, les ONG craignent que la fermeture de la route des Balkans ne pousse les réfugiés à se tourner vers d’autres voies encore plus dangereuses, comme celle de la Libye, au risque de leur vie.

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