Intermittents : « Poursuivre la mobilisation ! »
Un accord équilibré a été trouvé dans le secteur de l’audiovisuel et du spectacle vivant la nuit dernière. Il permettrait des droits plus avantageux que le régime actuel pour les intermittents. Encore faut-il qu’il soit signé à l’Unedic dans les semaines qui viennent. C’est l’heure du bras de fer.
Un accord inédit a été trouvé ce 28 avril dans le secteur de l’audiovisuel et du spectacle vivant. En cette journée de mobilisation générale contre la loi Travail, alors que sept théâtres nationaux sont occupés par des intermittents (1) et que les étudiants en écoles d’arts se mobilisent (2), les organisations de salariés et d’employeurs du secteur se sont mis d’accord sur un texte permettant des droits plus avantageux que le régime actuel. Retour à 507 heures en 12 mois avec une date anniversaire pour un champ réunissant artistes et techniciens, élargissement des heures d’enseignement (y compris pour les techniciens), neutralisation des baisses d’indemnisation après un congé maternité, rattrapage sur deux ans en cas d’accidents de parcours… Si ce texte était signé à l’Unedic, la nouvelle convention qui prendra effet le 1er juillet rétablirait des droits perdus et en ouvrirait de nouveaux. Problème : cet accord ne tient pas compte de la lettre de cadrage rendue par le Medef le 24 mars. En d’autres termes, il ouvre une partie de bras de fer avec le Medef et la CFDT. Les explications de Denis Gravouil, secrétaire général de la CGT Spectacle, qui participe aux négociations.
Un accord équilibré a été trouvé la nuit dernière dans le secteur. Une victoire d’étape ?
DENIS GRAVOUIL : Rien n’est gagné, il faut poursuivre la mobilisation. 507 heures en 12 mois avec une date anniversaire pour les artistes et techniciens, élargissement des heures d’enseignement, neutralisation des baisses d’indemnisation après un congé maternité, baisse du plafond de cumul indemnités + allocations permettant un système plus redistributif que le régime général… L’accord trouvé aujourd’hui dans le secteur est une très bonne première étape. On a également réussi à faire contribuer nos employeurs avec une augmentation de la cotisation de 1 % et une économie très mesurée de 40 millions d’euros. On peut dire qu’on a atteint nos objectifs. D’autant que ce texte a été signé par tous exceptée la CFDT, pour l’instant. La deuxième étape, c’est la transmission du texte à un comité d’experts qui va affiner les chiffrages. Puis le texte doit être repris dans l’accord Unedic. Sauf qu’on ne sait pas si l’accord Unedic aura bien lieu quand on voit les baisses de droits drastiques proposées cet après-midi pour le régime général : des gens recevant dans les 1200 euros mensuels d’indemnités chômage pourraient perdre 200 à 300 euros, d’autres vont basculer sous le seuil de pauvreté ! Si on se félicite de notre accord, il va falloir se battre pour qu’il rentre en vigueur.
Quelle est la valeur de cette accord signé par le secteur ?
C’est un accord signé par les fédérations syndicales de l’audiovisuel et du spectacle et la Fédération des entreprises du spectacle vivant (Fesac). La loi Rebsamen (article 34) prévoit que cette négociation ait lieu depuis 2015. Ensuite, l’interprofessionnelle reçoit les chiffrages et reprend l’accord du secteur s’il respecte les chiffrages. Or, l’accord trouvé la nuit dernière propose 40 millions de baisses de droits, 40 millions de recettes supplémentaires avec une hausse des cotisations patronales, soit au moins 80 millions d’économies par rapport à aujourd’hui. Il ne respecte par les chiffrages du Medef qui demandait le 24 mars 185 millions d’euros d’économie par an aux intermittents.
Qu’est-ce qui pourrait donc pousser le Medef et la CFDT à reprendre cet accord ?
Un poids gouvernemental : Manuel Valls s’est engagé à ce que les intermittents ne soient pas la variable d’ajustement de la convention sur l’assurance chômage. C’est le moment de prendre ses responsabilités. Le premier ministre a annoncé aujourd’hui même que le financement du différé de 80 millions par an versé à l’Unedic depuis 2014, qui ne s’est pas appliqué aux intermittents, irait désormais nourrir un fonds pour l’emploi. C’est une manière d’accéder à notre demande de voir l’Etat non pas financer l’assurance chômage des intermittents mais soutenir l’activité et l’emploi : rallonger les CDD, augmenter les CDI… Il faudrait que le gouvernement ne s’en tienne pas à ce geste et fasse pression sur le Medef et la CFDT.
Alors que les droits dans le régime général sont revus à la baisse, votre accord pourrait-il servir de modèle global ?
C’est un bon exemple : si on appliquait l’augmentation de 1% de la cotisation patronale dans le secteur au régime général, cela générerait 5 milliards de recettes. Mais le Medef et la CGPME viennent de déclarer qu’il était hors de question, par principe, d’augmenter la cotisation patronale dans le régime général, et qu’il fallait au contraire des baisses de droits violentes. Dans notre secteur, nous avons une vraie culture de la négociation : on arrive à trouver des solutions qui ménagent les intérêts de tout le monde. 507 heures en 12 mois serait une excellente nouvelle pour au moins 4000 à 5000 personnes qui restent juste en dessous des seuils d’accès !
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(1) théâtre de l’Odéon, Comédie Française, Théâtre National de Strasbourg, Centres Dramatiques Nationaux de Caen, Bordeaux, Lille et Montpellier
(2) : ERAC / LOUIS LUMIERE / FEMIS / ENSATT / CRR de Lyon / CRR d’Aubervilliers / Conservatoire royal de Liège / Cours FLORENT /UFR arts plastique et cinéma de Paris 1 / Paris 3 / Paris 8 / Paris 10 / EDT 91 / Ateliers du SUDDEN / CNSAD /Claude Mathieu / ESEC /Conservatoire des 10ème, 6ème, 11ème, 14ème, 17ème, 18ème, 19ème arrondissements / Laboratoire de l’acteur / L’école du Jeu / 3 IS /Les élèves comédiens de la comédie française / Le CFA des comédiens / ESAD / La comédie de Saint Etienne / Les gobelins / Le centre des arts de la scène /Le centre des arts vivants / Les Beaux Arts d’Angoulême / Les Beaux Arts de Poitiers / Les Beaux Arts de Nancy. Les Gobelins. Et des jeunes intermittents.