La légèreté du survivant

Élie Pressmann conte sur scène son enfance de petit garçon juif à Paris, échappant à une rafle.

Gilles Costaz  • 13 avril 2016 abonné·es
La légèreté du survivant
© David Ma

Acteur et auteur, Élie Pressmann ne pratique pas la parade narcissique. Il se dissimulerait plutôt derrière les fantaisies absurdes et les jeux de mots aux collisions facétieuses. Mais, arrivé à un âge où le passé s’inscrit dans d’autres perspectives, il a décidé de conter un peu de son enfance. Un peu seulement, mais ce sont les années d’un petit garçon juif de Paris, qui échappe à la rafle et survit en passant la ligne de démarcation et en vivant caché en Savoie, chez des gens bienveillants.

Ce récit qui a pris la forme d’une pièce s’appelle précisément Un petit garçon. Pressmann le joue lui-même, dans une mise en scène pudique, sans pathétique, ouverte au rire, de Catherine Hubeau.

Dans la cave aux lourdes pierres de l’Essaïon, Pressmann, assis sur une chaise, mais aussi allant et venant sans hâte autour de la chaise, laisse le passé remonter. Il dit « il », alors qu’il parle de lui-même, pour rester à distance, pour ne pas dramatiser ce qui est, par nature, dramatique. Il se souvient de la famille qui apprend qu’elle a été dénoncée et que les policiers peuvent -arriver dans leur appartement. Une « dame de petite vertu » les cache à l’étage supérieur. Ils s’en sortent tous, mais il faut partir. Là, il faut avoir à nouveau de la chance, et la famille n’en aura pas assez. Divisée en deux groupes, elle descend au sud de la Loire. La mère sera arrêtée, déportée et éliminée. Mais le garçonnet, réfugié dans les Alpes, ne connaît pas le sort de sa mère. Il pense toujours à elle, veut devenir un bon élève puis un bon comédien pour qu’elle soit fière de lui. L’absente restera à jamais absente.

Le jeu d’Élie Pressmann atteint étonnamment à une sorte de légèreté. Il ne souligne rien, n’explicite rien. Il témoigne comme si, aujourd’hui, après tant de livres d’histoire et tant d’archives ouvertes et dépouillées, nous n’avions plus qu’à écouter le souvenir d’un enfant désemparé, d’un adolescent qui découvre les autres faces de la vie, l’érotisme et l’humour qui naissent en lui.

La tragédie n’est pas un grand voile noir mais une petite blessure rouge qu’on révèle sans changer de ton, même si la démarche et les grandes gestes joueurs s’immobilisent. Pressmann est un bel acteur qu’il faut lire entre les lignes.

Théâtre
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