Le pari risqué de Mahmoud Abbas

Le président de l’Autorité palestinienne vise à sortir du tête-à-tête stérile avec Israël.

Denis Sieffert  • 20 avril 2016
Partager :
Le pari risqué de Mahmoud Abbas
© Yann KORBI/CITIZENSIDE/AFP

Est-ce l’initiative de la dernière chance ? L’ultime tentative avant que la solution « à deux États » soit définitivement enterrée par la politique israélienne de colonisation ? Le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, veut y croire. De passage à Paris les 15 et 16 avril, où il a été reçu par François Hollande, il a réaffirmé son credo au cours d’une rencontre avec une poignée de journalistes et d’universitaires.

Il s’agit en fait de deux initiatives, que Mahmoud Abbas veut convergentes. Le vieux leader palestinien va d’abord défendre devant le Conseil de sécurité des Nations unies une résolution condamnant la colonisation. Une énième démarche qui risque, comme les précédentes, de rester sans effets sur le terrain.

Mahmoud Abbas compte ensuite sur une deuxième initiative, lancée par l’ancien ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius. Il s’agit d’une mécanique complexe qui vise à sortir du tête-à-tête stérile avec Israël et à dépasser le cadre du « Quartet » (États-Unis, Nations unies, Russie et Union européenne), « sans se substituer à lui », a précisé Mahmoud Abbas. Au cours d’une première phase, a-t-il expliqué, les ministres des Affaires étrangères « du plus grand nombre de pays possible » rédigeront le contenu d’un projet d’accord. Cela, en l’absence des Israéliens et des Palestiniens. Ce texte serait ensuite examiné lors d’une deuxième rencontre à laquelle participeraient les deux principaux intéressés et un groupe de pays chargés de soutenir le processus. « Une sorte de congrès de la paix », a indiqué Mahmoud Abbas.

Le leader palestinien a insisté sur le fait que ce groupe élaborerait « un calendrier des décisions ». « Plus question de continuer à négocier pour négocier », a-t-il affirmé. Mais que se passerait-il si Israël refusait de participer à ce processus, comme ses dirigeants l’ont déjà annoncé ? « La question se posera à la communauté internationale », estime Mahmoud Abbas, qui rappelle que « la Palestine est le seul pays de la planète encore sous occupation ».

Reste à savoir si un nombre suffisant de pays seront d’accord pour s’impliquer dans ce processus complexe, et jusqu’où ils seront prêts à faire pression face au probable refus israélien. Et quelle attitude adopteront les États-Unis, au moment où les candidats à la présidentielle – à la notable exception de Bernie Sanders – se pressent pour faire allégeance à l’Aipac, le lobby pro-israélien ? Et il n’est même pas sûr que la France suive sa propre initiative. Laurent Fabius avait annoncé qu’en cas d’échec Paris reconnaîtrait l’État palestinien, mais son successeur au Quai d’Orsay, Jean-Marc Ayrault, a déjà fait marche arrière, en précisant qu’il n’y aura « rien d’automatique ».

Monde
Temps de lecture : 2 minutes
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don

Pour aller plus loin…

« Pour Trump, les États-Unis sont souverains car puissants et non du fait du droit international »
Vidéo 17 janvier 2025

« Pour Trump, les États-Unis sont souverains car puissants et non du fait du droit international »

Alors que Donald Trump deviendra le 47e président des Etats-Unis le 20 janvier, Bertrand Badie, politiste spécialiste des relations internationales, est l’invité de « La Midinale » pour nous parler des ruptures et des continuités inquiétantes que cela pourrait impliquer pour le monde.
Par Pablo Pillaud-Vivien
Avec Donald Trump, les perspectives enterrées d’un État social
Récit 17 janvier 2025 abonné·es

Avec Donald Trump, les perspectives enterrées d’un État social

Donald Trump a promis de couper dans les dépenses publiques, voire de supprimer certains ministères. Les conséquences se feront surtout ressentir chez les plus précaires.
Par Edward Maille
Trump : vers une démondialisation agressive et dangereuse
Analyse 17 janvier 2025

Trump : vers une démondialisation agressive et dangereuse

Les règles économiques et commerciales de la mondialisation ayant dominé les 50 dernières années ont déjà été fortement mises en cause. Mais l’investiture de Donald Trump va marquer une nouvelle étape. Les échanges économiques s’annoncent chaotiques, agressifs et l’objet ultime de la politique.
Par Louis Mollier-Sabet
À Hroza, en Ukraine, les survivants tentent de se reconstruire
Reportage 15 janvier 2025 abonné·es

À Hroza, en Ukraine, les survivants tentent de se reconstruire

Que reste-t-il quand un missile fauche 59 personnes d’un petit village réunies pour l’enterrement d’un soldat ? À Hroza, dans l’est de l’Ukraine, les survivants et les proches des victimes tentent de gérer le traumatisme du 5 octobre 2023.
Par Pauline Migevant