Demandez Le Poing ! Écoutez Radio debout !

Nuit debout a aussi ses médias, réalisés par des amateurs avec trois bouts de ficelle et une bonne dose de motivation.

Pauline Graulle  • 11 mai 2016 abonné·es
Demandez Le Poing ! Écoutez Radio debout !
© PIERRE LAURENT / CITIZENSIDE / AFP

Ce « 63 mars », comme chaque soir de 20 heures à minuit, c’est libre antenne sur Radio debout : « Et toi, Max, t’as des problèmes avec la police ? » « Oui, comme tout le monde, répondle lycéen au téléphone. Notre camarade a un procès le 9 mai, on appelle tous les auditeurs à venir le soutenir. » « Le lycée Jean-Jaurès aussi a besoin de soutien demain, à 5 heures [du matin]_, car les migrants sont menacés d’expulsion »_, renchérit le présentateur, en direct de la place de la République. Le son est mauvais, mais le message est reçu 5 sur 5. Jingle musical : « Radio debout, la radio dont le cœur bat… et beaucoup ! » C’est maintenant le moment d’écouter « La cour des contes ». Des histoires de mythologie grecque où Zeus envoie ses CRS pour faire régner l’ordre sur l’Olympe, « à l’époque où la Grèce était gouvernée par des Grecs et pas par une chancelière allemande ».

Puisqu’on réinvente la démocratie à Nuit debout, il fallait bien réinventer aussi le quatrième pouvoir. Dans un contexte « où on nous caricature souvent en ados colériques », estime Marjorie, bénévole à TV Debout, des médias alternatifs ont fleuri sous le regard bienveillant de la Marianne de bronze. Une radio, une télé, mais aussi un site Internet et des journaux papier à tendance satirique. Comme Le Poing ou 20 000 luttes. L’anti-20 Minutes local, dont le numéro 2 a été tiré à 10 000 exemplaires, chronique « les films d’horreur de l’oligarchie », le « climat social » à la rubrique « climat », et propose des grilles de mots croisés où la solution à « École à fermer en priorité » tient en trois lettres capitales.

Derrière ces quatre pages imprimées gracieusement par une rotographie montreuilloise, une poignée de graphistes et de rédacteurs bénévoles qui écrivent à plusieurs mains sur Framapad, un éditeur de texte collaboratif en ligne. Dont Youlie, rédactrice heureuse mais épuisée par ce qu’il faut bien appeler le côté libertaire de l’affaire : « C’est dur d’être le journal de tout le monde et de personne à la fois », explique la journaliste en herbe. Et de préciser que, si aucun média à Nuit debout ne se revendique comme le porte-voix du mouvement, ça n’exclut pas de se faire enguirlander par les lecteurs.

À TV Debout non plus, pas de vraie ligne éditoriale. Si ce n’est la volonté des quinze personnes qui y œuvrent chaque jour de se faire le relais le plus « objectif » possible du mouvement : « On n’a pas l’ambition de révolutionner les médias : TV Debout est née de deux mecs qui ont commencé à filmer les AG avec une webcam sur un pied pour les diffuser en province et à l’étranger », raconte Marjorie. Désormais, la chaîne, diffusée sur YouTube, arbore un logo de télé sur pattes (évidemment) dessiné par un talentueux sympathisant. Au programme : ambiance sympathique, problèmes techniques récurrents et discussions à bâtons rompus sur les migrants, la désobéissance civile ou ces grands médias qui font si mal leur travail d’éclaireurs démocratiques.

Sur le plateau au décor rustique (dont une toile tricotée par une mamie de la place !), on reçoit sur un vieux canapé des gens « pas vus à la télé » – participants aux commissions, universitaires… – et d’autres vus (un peu) à la télé : Yanis Varoufakis, Edgar Morin, Frédéric Lordon ou François Ruffin. « On n’a pas d’argent, pas de matos, on ne sait même pas si on va avoir accès à Internet quand on arrive sur place, et on passe notre temps à remballer et à réinstaller le matériel après avoir été gazés par les CRS », sourit Marjorie, qui souligne l’aspect « expérimental » de l’entreprise.

Créer des médias à Nuit debout revient donc un peu à réinventer la roue chaque jour. Une force et une faiblesse à la fois quand il s’agit de fabriquer, ensemble : « La fulgurance de Nuit debout, c’est sa diversité, mais, parfois, on a de bonnes idées qui tombent aux oubliettes faute d’organisation », analyse Youlie. « Certains nous trouvent trop lents, et c’est vrai que réinventer les cadres prend beaucoup d’énergie pour un résultat qui n’est pas immédiat, reconnaît Marjorie. Mais, parfois, c’est bien aussi de prendre son temps. »

Société
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